Agriculture de conservation : « les exploitants ont réduit de deux tiers l'usage du glyhosate en dix ans » : Frédéric Thomas, agriculteur dans le Loir-et-Cher
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Référence environnement : Est-il possible de se passer du glyphosate lorsque l’on pratique les techniques culturales simplifiées ?
Frédéric Thomas : Actuellement, la réponse est négative. Une interdiction totale serait une bêtise, notamment pour l'agriculture de conservation. Si le glyphosate était interdit, je serais obligé de travailler à nouveau mon sol pour venir à bout des mauvaises herbes. Or, j’ai eu tellement de mal à faire revivre mes sols, grâce au non-labour, que je ne souhaite absolument pas retourner en arrière. Autre solution : utiliser de nouvelles molécules phytosanitaires. Serions-nous gagnant ? Je ne le crois pas, à la vue des faibles quantités de glyphosate que nous employons.
Mais nous avons bon espoir : Emmanuel Macron a indiqué, le 25 janvier lors de ses vœux au monde agricole à Clermont-Ferrand, qu’il n’y aurait pas d’interdiction tant que la recherche n’aura pas de solutions crédibles pour l’agriculture de conservation et pour les parcelles en pente.
R.E. : Existe-t-il d’autres méthodes pour se passer du glyphosate ?
F.T. : Oui, mais leur efficacité n’est pas toujours suffisante. Toutefois, nous travaillons d’arrache-pied pour tester de nouvelles pratiques. Certaines fonctionnent bien, comme le roulage, qui blesse suffisamment les plantes pour qu’elles ne puissent pas survivre. Nous travaillons aussi les enchaînements de culture et l’utilisation des couverts qui vont étouffer les mauvaises herbes et prendre leur place sur le sol. Plusieurs expérimentations ont donné de bons résultats sans utilisation de glyphosate. L’association avec des couverts végétaux procure parfois de meilleurs rendements qu’avec une culture seule, du fait des bénéfices associés comme la nutrition du sol.
D’autres pistes sont à l’étude : le semis précoce de céréales, l’introduction d’animaux pour brouter le couvert. Pour ma part, j’ai une centaine de moutons qui pâturent les parcelles avant l’implantation de maïs.
De plus en plus d’exploitants en agriculture biologiques, qui souhaitent aller vers les techniques culturales simplifiées, nous aident à tester ces pratiques car ils ne peuvent pas utiliser de pesticides.
R.E. : Avez-vous réduit l’emploi du glyphosate ?
F.T. : Très fortement. Je suis passé de trois à un litre par hectare et par an de glyphosate, avec parfois des années à 0,5 l/ha/an. En moyenne en dix ans, les agriculteurs en TCS ont réduit de deux tiers leur IFT, tout en augmentant les rendements. La créativité, l’ouverture, l’envie est le carburant de l’innovation et des agriculteurs de conservation. Le réglementaire et l’interdiction freinent toute velléité d’expérimenter. Nous pouvons prendre le risque d’innover, si nous avons un parachute de sécurité.