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« Avant de promouvoir des changements de pratiques, il faut créer du lien social », Claude Compagnone, AgroSup Dijon

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Professeur de sociologie à AgroSup Dijon, Claude Compagnone s’intéresse aux changements opérés par les agriculteurs pour la mise en œuvre de pratiques respectueuses de l’environnement. Ses études analysent en particulier la façon dont ces évolutions sont liées à la structure des réseaux de dialogues professionnels auxquels ces agriculteurs appartiennent, et aux positions qu’ils occupent dans ces réseaux. Entretien avec Référence environnement.

Référence environnement : Votre travail montre-t-il que le groupe est le lieu qui permet de diffuser les bonnes pratiques ? Claude Compagnone : C’est par le dialogue entre pairs que des innovations peuvent être saisies et adaptées par les agriculteurs. Un exploitant changera ses pratiques s’il est en lien avec d’autres agriculteurs. Il pourra ainsi identifier et résoudre ses problèmes. Les échanges dans un groupe ou au sein d’un réseau d’agriculteurs sont bien plus importants dans la dynamique de changements que le seul conseil technique individuel. Ainsi, cette dynamique de changement est liée à la manière dont les exploitants sont insérés dans un collectif. Dans les réseaux de dialogues de forme noyau-périphérie que j’ai étudiés, les agriculteurs situés au centre du noyau, et qui discutent donc le plus entre eux, sont aussi ceux pour lesquels les changements sont les plus simples. Pourtant, la transformation du monde agricole tend à isoler de plus en plus les agriculteurs. Dans ce cas, pour accompagner des changements pratiques, il peut être plus efficace de recréer du lien social entre les agriculteurs plutôt que faire du conseil technique individuel. R.E. : L’agro-écologie est-elle fédératrice pour les agriculteurs ? C.C.  : L’agro-écologie est souvent vue par les agriculteurs comme une contrainte, comme une couche réglementaire supplémentaire. C’est à la fois un concept large et flou, qui a surtout comme vertu de réaffirmer les rôles d’agronome et de producteur de connaissances des exploitants. Toutefois, les agriculteurs ont du mal à voir à quoi cela correspond, même si une partie d’entre eux sont engagés dans cette voie. La promotion de l’agro-écologie appelle à la refondation d’un contrat social entre les agriculteurs et la société. Ce contrat peut prendre des formes diverses selon les types d’agriculture, les attentes des citoyens et les lieux où il est négocié. Dans ce sens, il est davantage mobilisateur. R.E. : Les agriculteurs ont-ils bien pris en compte l’environnement ? C.C. : Cela reste très variable. Une enquête réalisée par les élèves d’AgroSup Dijon a montré que la moitié des agriculteurs sondés sont énervés par l’environnement, qui signifie pour eux des contraintes supplémentaires. Pour le reste : 10 à 20 % étaient très impliqués et 30 à 40 % se sont déclarés attentifs à ces questions. Par ailleurs, très peu sont préoccupés par la question du climat. Par exemple, un nombre limité a conscience de l’intérêt de la préservation des sols pour limiter les gaz à effet de serre, sauf ceux qui sont impliqués dans l’agriculture de conservation.