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Biotechnologies : « On ne peut innover sans partir du travail des autres », Christine Noiville du HCB

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Le Haut Conseil des biotechnologies organise le 29 avril un colloque intitulé « breveter les gènes ? Les défis de la politiques européennes  ». Christine Noiville, présidente du Comité économique, éthique et social du HCB a répondu aux questions de Référence environnement. Référence environnement : Où en est-on de la brevetabilité des gènes en France et en Europe ? Christine Noiville : Depuis 20 ans, le droit des grands pays industrialisés a reconnu que les gènes pouvaient être des inventions, non seulement quand un chercheur ou un industriel les construit en laboratoire, mais aussi quand il les isole et en propose une application industrielle jusqu’ici inconnue. Le chercheur mettant ainsi à la portée de tous quelque chose d’utile qui n’existe pas en tant que tel dans la nature, il paraissait juste de lui conférer une protection par brevet. Ce principe a ouvert la voie à la délivrance de brevets sur toutes sortes d’inventions portant sur des gènes et, ce, jusqu’à très récemment. Les choses se sont mises à évoluer notamment avec le revirement de la Cour suprême des États-Unis, qui a affirmé que les gènes humains simplement isolés ne sont finalement pas autre chose que des produits de la nature et qu’ils ne peuvent donc être protégés. En Europe, c’est la brevetabilité des gènes végétaux qui a été au cœur d’une nouvelle controverse. Ces changements ont ouvert la voie à une remise à plat du débat, avec une composante presque philosophique : le fait d’isoler un gène, d’en mettre en relief le rôle et d’en proposer une application industrielle, est-ce avoir véritablement inventé ou n’avoir produit rien d’autre que ce que la nature offre déjà elle-même, et qui doit alors rester dans le bien commun ? R.E. : Quelle position défendez-vous au HCB ? C.N. : Le HCB a rendu un avis en juin 2013 dans lequel il prône une position qui me parait équilibrée : il affirme qu’il faut donner une protection à ceux qui innovent à partir de gènes dans le domaine de la médecine ou des semences, mais il prône que le gène lui-même - outil de base de la recherche - doit rester en accès libre. Dans le domaine des biotechnologies, on ne peut innover sans partir du travail des autres et du fonds génétique commun. R.E. : Une bonne partie des membres du CEES, plus favorable aux OGM, ont démissionné. Comment palliez-vous ce manque d’acteurs majeurs pour la filière agricole dans vos débats ? C.N. : Le HCB repose sur un mode de fonctionnement très nouveau : sortir de l’unique analyse scientifique, aussi précieuse soit-elle, pour permettre à d’autres points de vue - éthiques, économiques, politiques ou sociaux - de s’exprimer. Il est vrai que nous n’avons pas forcément, dans notre pays, la culture du débat pacifié : on veut absolument convaincre l’autre, et l’on considère que c’est un échec si l’on n’y parvient pas, alors que même s’il n’y a pas de consensus, la richesse des points de vue exprimés reste utile pour la décision publique. Quelques membres ont choisi de partir, je ne peux que le regretter, mais nous ne nous arrêtons pas de travailler pour autant.