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Confirmation d’un lien entre le chlordécone et le cancer de la prostate

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Le dossier du chlordécone, insecticide utilisé aux Antilles entre 1973 et 1993 dans les plantations de bananes, n’est pas près de se refermer. Le tout dernier élément est la publication le 21 juin des résultats du programme de recherche Karuprostate, visant à « identifier et à caractériser les facteurs de risques environnementaux, génétiques et hormonaux de survenue du cancer de la prostate aux Antilles ». Un risque estimé de 77 % supérieur à la normale selon les chercheurs de l’Inserm (Université Rennes 1 - CHU de Pointe-à-Pitre) et de l’Université de Liège (Belgique) et statistiquement significatif lorsque les concentrations sanguines sont supérieures à 1 μg/l. Il est même multiplié par cinq lorsque deux facteurs aggravants se cumulent : antécédents familiaux de cancer de la prostate et résidence dans un pays occidental. La modification des habitudes alimentaires contribuent largement à augmenter ce risque. L’étude a été menée de 2004 à 2007 sur une population de 709 personnes nouvellement atteintes d’un cancer de la prostate, comparée à 723 personnes indemnes, toutes originaires des Caraïbes (Guadeloupe, Martinique, Haïti, Dominique). L’exposition au chlordécone a été définie par analyse de la molécule dans le sang. Karuprostate s’inscrit dans une série de recherches et de plans sanitaires visant à mieux connaître les effets de la molécule, les conditions de sa dégradation, son mode de transmission et, bien sûr, les moyens de prévenir sa dissémination. Gérer le problème sanitaire sur le long terme Principal handicap : la molécule a une durée de persistance dans les sols très longue. « Trois kilos de chlordécone épandus par hectare et par an ne s’éliminent totalement des sols qu’au bout de sept siècles, mais il faut un siècle pour que la concentration soit dix fois inférieure », précise un rapport du sénat. Le type de sol joue considérablement, certains permettant une dégradation en quelques dizaines d’années. Celle-ci ne peut cependant se faire que par deux voies : extraction par les plantes et transfert vers les nappes phréatiques. Le problème sanitaire doit donc se gérer sur le très long terme, autant pour les légumes cultivés (légumes racines ou en contact avec la terre) que pour les poissons et crustacés (transfert dans les sédiments). Des cultures à risque La surface agricole utile potentiellement contaminée (essentiellement d’anciennes bananeraies) est estimée à 6 500 ha en Guadeloupe (18 % de la SAU) et 14 300 ha en Martinique (44 %) selon le rapport « Impact sanitaire de l’utilisation du chlordécone aux Antilles françaises », réalisé en octobre 2009*. L’implantation de onze cultures répertoriées comme étant à risque est soumis à une analyse de sol préalable. La parcelle, selon le résultat, est soit laissée en friche, soit cultivée avec d’autres plantes. La problématique est plus complexe dans le contrôle des jardins familiaux, source importante d’alimentation, la mise en place d’un plan de contrôle étant sensiblement plus complexe que dans le domaine agricole. Et la solution quasi inexistante pour les poissons et crustacés. Dans les zones à risque, les personnes concernées ne peuvent en consommer plus de quatre fois par semaine. Avis de recherche pour 1 500 tonnes de chlordécone Le chlordécone, considéré comme un perturbateur endocrinien et classé cancérogène possible pour l’homme par l’Organisation mondiale de la santé, a été employé aux Etats-Unis et en Europe (le Kélévane, sur pommes de terre, en Allemagne, Russie, Ukraine). Le problème n’est pas seulement national, soulignaient les parlementaires rapporteurs, en juin 2009, de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques. Quelque 1 500 tonnes ont disparu des plans de contrôles internationaux avant les années 90. D’où l’importance d’une localisation de leurs zones d’épandage. * le rapport a été mis en ligne le 17 juin 2010 sur www.invs.sante.fr