La FNSEA a changé de ton. Plutôt conciliante jusqu’à présent sur la thématique environnementale, la fédération nationale s’est livrée à une véritable charge contre l’agro-écologie lors de son congrès, le 28 mars à Troyes. S’adressant au ministre de l’Agriculture, son président Xavier Beulin, a marqué d’entrée de jeu, l’angle d’attaque : la compétitivité de la ferme France est mise a mal. Il s’est éclipsé quelques instants pour revenir vêtu d’une marinière à rayures vertes, fabriquée à Troyes, dans laquelle tout un chacun aura reconnu la communication ministérielle sur le redressement productif grâce au made in France. Selon le leader du syndicat majoritaire, la France a perdu sa place de champion agricole mais elle possède pourtant tous les atouts pour la reconquérir si… Et ce sont des « si » comme autant de freins à la croissance qu’il a décliné en plusieurs dossiers : l’environnement, la Pac, le coût du travail, l’installation des jeunes… « Il y a des sujets sur lesquels on a besoin de s’expliquer comme le rythme de convergence des aides PAC, la prime aux 50 premiers hectares, l’agro-écologie. » Concernant l’environnement : « Il y a trop de règlements, trop de contraintes administratives et d’incohérences. Revenons a du bon sens », tel est le mot d’ordre du président de la FNSEA. Quand au projet, Produire autrement ? « On ne s’oppose pas à mettre plus d’agronomie dans nos pratiques mais quand nous serons les champions de l’agro-écologie et qu’il n’y aura plus de paysans, on aura l’air bien malin… Pour le syndicat, ce dossier n’est pas la priorité. Car si les grandes cultures végétales ou le vin tirent leur épingle du jeu, l’élevage ou les productions fruitières et maraîchères souffrent d’un déficit de compétitivité qui fragilise ces filières. « Y’en a marre des slogans. Nous sommes un secteur d’excellence, ne modifions pas les règles. Améliorer oui, détricoter non ! ». Il pointe aussi le manque d’implication et de considération des agriculteurs. « Nous voulons plus d’équité dans les instances consultatives face aux ONG. » De son côté Stéphane Le Foll a réaffirmé son soutien à l’agro-écologie et a annoncé en clôture du congrès, le 28 mars, avoir saisi ce même jour le Conseil d’Etat afin de pouvoir réviser les contrats entre les producteurs et les distributeurs si le coût de production augmente.
- Pas de surenchères et des solutions concrètes
Sur les questions de l’extension des zones vulnérables La FNSEA refuse l’extension effectuée au « doigt mouillé » des zones vulnérables dans 33 départements. « On a rapproché des zones sans prendre en compte les critères, explique Xavier Beulin. Nous avons dans ce contexte déposé des recours. Et nous aurons gain de cause. » Il dénonce aussi la mise en place d’une date d’épandage nationale. « Comme si c’était pertinent d’un point de vue agronomique et climatique d’épandre sur les terres en même temps, du nord au sud. » Stéphane Le Foll a de son côté indiqué que la France est en porte à faux et qu’il faut éviter de passer d’un contentieux à des amendes. Les discussions sont engagées au niveau européen. Des propositions pour réduire les impacts ont été déposées. Sur le thème du stockage de l’eau Le député Philippe Martin doit rendre dans quelques semaines son rapport sur le stockage de l’eau a annoncé Stéphane Le Foll. La FNSEA a néanmoins signalé quelques situations ubuesques : des éleveurs obligés d’aller s’approvisionner en eau en Espagne pour abreuver leur troupeau en période de sécheresse, faute de bassin de stockage, ou encore des réunions auxquelles ses membres participent et où il faut « expliquer le cycle de l’eau et autre principe agronomique de base à des comités qui devront ensuite statuer depuis leur bureau ». « Au nom de quoi stocker de l’eau serait contre nature ? », a insisté Xavier Beulin. Sur les productions végétales Xavier Beulin a rappelé au ministre qu’il ne pouvait accepter un écrit émanant de son cabinet dans lequel on relierait revenu agricole et niveau de consommation en produits phytosanitaires. « C’est une question de bon sens, et c’est inacceptable de ne pas reconnaitre qu’avec une année sèche comme 2011 la pression parasitaire est moindre que lors d’une année humide comme 2012. » De son côté le ministre a rappelé qu’il connaissait la réalité climatique, et que pour lui il est hors de question de lier revenu et niveau de consommation des phytos. Toutefois, il a réaffirmé son credo dans le plan Ecophyto et l’agro-écologie : « il faut travailler en commun, sortir du débat, se faire confiance mutuellement. » Sur la fiscalité écologique La FNSEA refuse de payer des écotaxes supplémentaires : « 150 millions d’écotaxe, c’est un point de revenu en moins a souligné Xavier Beulin, la FNSEA sera très vigilante car tous nos moyens de production sont dans le collimateur. Nous sommes très méfiants sur des propositions de financement d’actions nouvelles et qui génèreraient des taxes supplémentaires comme la taxe azote minéral pour financer méthanisation, un temps envisagée. Dans son allocution, Christiane Lambert a d’ailleurs mis en exergue cette fiscalité écologique à répétition : « la fiscologie est une maladie qui inquiète », a-t-elle lancée. Sur la Pac Sur le dossier du verdissement, le syndicat refuse le taux de 7 % de Surface d’intérêt écologique (SIE). Il demande de la souplesse pour le retournement des prairies, et, pour la mesure « diversité », de prendre en compte les productions et pas seulement les cultures. « Je pense en particulier à certains territoires du Sud-Ouest ou d’Alsace qui développent l’excellence française », a souligné Xavier Beulin. Sensibiliser l’opinion publique sur les difficultés de l’élevage La FNSEA a appelé à manifester dans les départements le 12 avril sur le thème « Sauvons l’élevage français ». La fédération déposera alors un cahier de doléances. Le syndicat entend aussi organiser le 23 juin à Paris une journée de l’élevage pour sensibiliser en faire une cause nationale. « Il y va de l’intérêt général, a souligné Xavier Beulin. Comment faire plus de traçabilité, de productions diversifiées et vouloir nous obliger à nous aligner sur un standard européen de prix ? Nous revendiquons notre diversité, mais elle a une valeur. »