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Evaluation des risques chimiques : le concept de seuil de préoccupation toxicologique fait controverse

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Le Comité scientifique de l’Agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa) propose désormais un nouvel outil d’évaluation des risques chimiques pour notre alimentation : l’approche dite du seuil de préoccupation toxicologique (SPT, ou TTC, pour Threshold of Toxicological Concern, en anglais) (1). Cette approche, qui permet d’évaluer certains composants chimiques sans les tester, fait déjà l’objet de fortes craintes de la part d’associations environnementales comme Pan-Europe et sa déclinaison française, Générations futures. L’Efsa, pourtant, se veut rassurante : « Il s’agit d’un outil complémentaire et non de substitution, un outil mesuré qu’il n’est d’ailleurs pas question d’utiliser de manière aveugle », précise Daniela Maurici, qui a coordonné le travail du Comité scientifique de l’Efsa sur le projet d’avis relatif à cette approche SPT. L’approche SPT consiste à évaluer le risque pour la santé de substances dont les structures chimiques sont connues, en comparant les données d’exposition humaine de ces substances à des seuils déterminés de préoccupation toxicologique (valeurs SPT correspondant à une dose d’exposition tolérée fixe par jour et par personne). Si l’exposition humaine à une substance est inférieure à une certaine valeur SPT fixée par grande catégorie de structure chimique, la possibilité d’effets nocifs est alors considérée comme très faible. Réduire le nombre de tests Et les tests deviennent dès lors inutiles. Un avantage mis en avant par l’Efsa : « l’approche SPT offre la possibilité de réduire le nombre de tests et permet donc, d’une part, d’allouer plus efficacement les ressources financières et humaines disponibles, et d’autre part, de réduire le nombre d’expérimentations animales inutiles, souligne Bernard Bottex, membre du Comité scientifique de l’Efsa. Car l’amélioration des méthodes analytiques permet aujourd’hui de détecter des substances chimiques dans l’alimentation humaine et animale à des concentrations faibles et très faibles, ce qui engendre la nécessité d’évaluer les conséquences pour la santé de plus en plus de substances détectées sous formes de traces, et donc de multiplier le nombre de tests. » Pour les faibles niveaux d’exposition L’approche SPT est, selon l’Efsa, bien réservée aux risques liés à de faibles niveaux d’exposition à des substances présentes dans l’alimentation humaine et animale. Et pas à toutes les substances : l’avis de l’Efsa liste celles qu’elle considère non appropriées. En outre, l’approche ne concernerait pas les substances actives des pesticides, dont l’évaluation est strictement réglementée, mais leurs métabolites. « Le recours à l’approche SPT doit absolument s’appuyer sur des estimations fiables et non sous-estimées de l’exposition humaine, ajoute Bernard Bottex. Au moindre doute relatif à cette exposition ou à la toxicité, cette approche ne doit pas être utilisée. » Cette approche de l’évaluation des risques n’est en outre pas nouvelle : elle est déjà utilisée par l’Efsa pour évaluer des substances aromatisantes et des métabolites de pesticides dans les eaux souterraines, par l’Europe pour les impuretés dans les médicaments, ou encore par les Etats-Unis pour les aromatisants et les conditionnements. (1) La consultation publique lancée par l’Efsa sur son projet d’avis concernant l’approche SPT prend fin le 15 septembre. Un rapport de synthèse des commentaires reçus sera publié sur le site internet de l’Efsa, avec le texte final qui devrait être achevé d’ici la fin de l’année 2011.