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Homologation des pesticides : « Bousculer les habitudes », Éric Andrieu, eurodéputé

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Président de la commission créée pour évaluer les dispositifs d’homologation des pesticides au sein de l’Union européenne, l’eurodéputé Éric Andrieu est à pied d’œuvre. Il livre à Référence-environnement ses premières impressions.

Référence-environnement : À ce stade de votre travail, quel est votre état des lieux ?

Éric Andrieu : Nous sommes au début du chemin, la prudence est de mise. Mon premier sentiment est que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), et plus globalement la recherche publique, n’ont pas les moyens de leurs ambitions. Pourquoi ne pas les aider via une redevance à acquitter par les firmes ? Aujourd’hui, l’Efsa compte 55 experts, dix fois moins que le Canada, trente fois moins que les États-Unis.

Par ailleurs, je constate que, d’un côté, l’industrie se concentre, via des rachats et des fusions. De l’autre, les instances européennes sont atomisées en plusieurs structures : Efsa, Agence européenne du médicament, Agence européenne de l’environnement… Sans parler des instances propres à chaque État membre. Une synergie, voire une mutualisation de moyens, doit être envisagée.

R.E. : Les conflits d’intérêts révélés par les Monsanto papers ont en partie motivé votre mission.

É.A. : C’est un enjeu majeur ! Il y a, me semble-t-il, matière à progresser. Les déclarations d’intérêt des experts issus des États membres sont actuellement examinées par l’Efsa. Sans remettre en cause la probité des fonctionnaires qui s’en chargent, je pense que cette mission pourrait être effectuée par des magistrats.

De plus, les firmes ont aujourd’hui en partie la main sur le choix de l’agence qui instruit leur dossier. Quand je m’interroge, on me dit que « ça c’est toujours fait comme ça » ! Nous sommes là pour bousculer les habitudes, ou au moins les questionner. Un exemple plus franco-français : en 2016, la France est l’État membre qui a obtenu le plus de dérogations concernant des usages de pesticides, 58, loin devant l’Espagne (30), deuxième de ce classement. La diversité des cultures implantées en France est peut-être une explication. Mais le fonctionnement de ces dérogations fait partie des dispositifs à analyser.

R.E. : Vous êtes-vous penchés sur l’homogénéité des méthodes scientifiques pour l’évaluation de produits ?

É.A. : L’exemple du glyphosate est un cas d’école. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) et l’Efsa n’utilisent pas les mêmes protocoles, et ne parlent même pas de la même chose ! D’un côté, on expertise la molécule de glyphosate, de l’autre l’étude comprend un co-formulant. D’où les conclusions divergentes. Un unique mode opératoire est-il possible ? Nous allons convoquer l’Organisation mondiale de la santé pour aborder ce sujet.

R.E. : Des passages de dossiers déposés par les firmes se sont retrouvés tels quels dans certains documents des instances européennes, soulevant des questions sur le travail de ces dernières…

É.A. : D’après l’Efsa, ces passages ont été analysés et vérifiés avant d’être reproduits. Ce ne sont pas juste des « copier/coller » par facilité. Il me semble toutefois indispensable de clarifier cette pratique, et de rendre clairement visibles et reconnaissables ces passages dans la documentation européenne.