Information du consommateur et traçabilité : l’exemple des produits carnés
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Crises et scandales alimentaires, évolution subséquente de la réglementation européenne et française : le cabinet d’avocats d’affaires JeantetAssociés fait le point sur l’information du consommateur et la traçabilité. Un thème abordé lors d’une table ronde organisé le 28 février au salon de l’agriculture. Les scandales alimentaires ne datent pas d’hier, même si l’évolution récente est la recherche du risque zéro. Thomas Picot, avocat-associé au sein de l’équipe droit de la concurrence et droit de la consommation du cabinet JeantetAssociés, a fait le point à cette occasion sur les obligations actuelles en matière de traçabilité et de rappel des produits, en soulignant qu’en tant que bien de consommation courante, le secteur de la viande occupe une place à part. Selon lui, « la question que l’on peut être tenté de se poser est de savoir si les Etats membres sont suffisamment armés pour faire face à des fraudes qui s’inscrivent dans le cadre de marchés internationaux complexes où interviennent de nombreux acteurs ». Une réglementation avant tout européenne « La réglementation alimentaire est à 90 % européenne, rappelle Claude Bertrand, chef du bureau de la nutrition et de l’information sur les denrées alimentaires à la DGCCRF. Même si quelques dispositions nationales peuvent être prises en l’absence d’harmonisation, dès lors qu’elles ne créent pas de distorsions de concurrence. » La recherche du risque zéro dans les processus industriels et commerciaux a conduit l’Europe à consolider la réglementation en la matière. « A la suite notamment des différentes crises des années 90 (vache folle, poulet à la dioxine…), le règlement (CE) n° 178/2002 est venu renforcer les règles applicables à la sécurité des aliments, explique Thomas Picot. Il établit un cadre de contrôle et de suivi de la production, de prévention et de gestion des risques. Il impose une traçabilité externe à l’entreprise. » Le règlement (UE) n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires remplace quant à lui des directives existantes et vient améliorer les exigences en matière d’étiquetage. « L’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance devient obligatoire à compter du 13 décembre 2014 s’il y a risque de confusion, précise Claude Bertrand. Et les déclarations nutritionnelles sont imposées à partir de décembre 2016. » L’étiquetage des viandes est encadré par le règlement (CE) n° 1760/2000 pour les bovins, et le règlement d’exécution (UE) n° 1337/2013 pour les porcins, ovins, caprins et volailles. A noter que pour les viandes de ces derniers, et contrairement à ce qui se fait pour la viande de bœuf, seuls les lieux d’élevage et d’abattage des animaux doivent obligatoirement figurer sur l’étiquette du produit. S’agissant de l’indication du pays d’origine pour les produits utilisés comme ingrédients, Julia Bombardier, avocat au sein de l’équipe droit de la concurrence et droit de la consommation du cabinet JeantetAssociés, explique qu’il s’agit d’un sujet sensible qui ne concerne pas seulement la viande et qui fait actuellement l’objet de vifs débats au niveau européen. Fraude, information et traçabilité : pas d’amalgame ! « L’information du consommateur, la traçabilité et le risque de fraudes sont des sujets récurrents souvent confondus à tort », a rappelé Julia Bombardier en évoquant les conséquences de l’affaire de la viande de cheval en matière d’étiquetage et de sanctions (ndlr : la loi sur la consommation a renforcé significativement le montant des sanctions en matière notamment de délit de tromperie). « Renforcer l’information du consommateur a pour objectif premier de renforcer la confiance du consommateur, non de diminuer le risque de fraudes qui est indépendant », poursuit l’avocate. Un récent sondage Ipsos révèle que 76 % des Français se disent inquiets de connaître de nouvelles crises, tandis que 22 % de Français déclarent ne plus manger de plats cuisinés à base de viande bovine. « Les fraudes ne datent pas d’hier, précise Claude Bertrand. Pour preuve, la publication de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles. » Et Julia Bombardier de renchérir : « Au 18ème siècle avant JC, les lois du Code d’Hammurabi punissaient de noyade la fraude en matière de bière ». La DGCCRF tente d’augmenter toujours davantage l’efficacité des contrôles. « Mais si les contrôles d’obligations réglementaires sont aisés, les contrôles de fraudes, en revanche, représentent de véritables enquêtes de police », indique Geneviève Morhange, adjointe au chef du bureau des denrées alimentaires d’origine animale à la DGCCRF. Jean-Luc Viruéga, expert en traçabilité, s’interroge quant à lui sur la valeur des seuls contrôles privés : « Il faut des contrôles officiels plus adaptés ». Et de militer également pour l’établissement de bonnes pratiques de traçabilité par les professionnels, comme des GBPH. Sur ce point, Geneviève Morhange relève qu’il y a « obligation de résultat, mais que les moyens et les contrôles de traçabilité sont libres ». L’obligation de traçabilité du règlement (CE) n° 178/2002 n’a été développée que dans un but sanitaire et non pour lutter contre la fraude. Il est donc peut être nécessaire, selon Jean-Luc Viruéga, de développer de nouvelles mesures de traçabilité pour ce sujet.