La Cooperl démocratise l’arrêt de la castration des porcs
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La coopérative Cooperl propose aux éleveurs de porcs d’arrêter la castration des mâles. Entre contraintes logistiques et gestion des débouchés, l’initiative a trouvé son chemin et mobilise 80 % des adhérents. Et a ouvert la porte d’une filière sans antibiotiques. La castration des porcs est une pratique historiquement employée en France. Pour une raison principale : la viande d’un porc non-castré peut présenter une mauvaise odeur à même de rebuter une partie des consommateurs. Le groupe coopératif Cooperl a expérimenté plusieurs pistes pour stopper cette mutilation. « Nous avons essayé un vaccin anti-odeur qui ne nous a pas convaincu », explique Anne Lacoste, responsable R&D. Activer d’autres leviers contre les mauvaises odeurs En 2011, la coopérative mobilise une cinquantaine d’agriculteurs autour d’une autre idée : cesser la castration, activer les autres leviers susceptibles de limiter les odeurs, et opérer un tri drastique des carcasses pour séparer celles qui resteraient odorantes. « Ce test a mis en avant plusieurs intérêts pour les éleveurs, témoigne Anne Lacoste. Exemptés d’une opération désagréable, ils ont gagné du temps, et ont constaté que leurs bêtes rentabilisaient mieux leurs rations, d’où des économies en alimentation, mais aussi moins d’effluents à gérer. » Le revers de la médaille se situe du côté des abattoirs, où du personnel supplémentaire est nécessaire pour la détection d’odeur, le tri et la découpe des parties génitales. 80 % des adhérents suivent le cahier des charges « Cooperl dispose de ses propres abattoirs : nous avons pu intégrer ces coûts, et généraliser le concept », explique Anne Lacoste. La coopérative a mis en place un cahier des charges pour les exploitations intéressées. Pour limiter les phénomènes d’odeurs, les éleveurs sont orientés sur la génétique des animaux, le choix des aliments, mais aussi l’âge d’abattage et les conditions d’élevage. 80 % des adhérents ont suivi le mouvement L’aval sceptique, puis convaincu Dès 2013, il a fallu affronter le marché de la transformation et la distribution. « Il y avait des doutes sur notre efficacité à détecter et écarter les carcasses odorantes, admet Anne Lacoste. Les opérateurs sceptiques ont été rassurés et convaincus par la visite de nos fermes et abattoirs. » Aujourd’hui, 3 à 6 % des carcasses présentent une odeur, contre 1,5 % de verrassons (1) à l’époque où les castrations, qui n’étaient donc pas efficaces à 100 %, étaient pratiquées. La R&D de Cooperl cherche les leviers susceptibles de réduire encore ce taux. En attendant, cette viande est dédiée à des marchés à l’étranger où elle est tolérée, mais vendue moins cher. Un différentiel de prix répercuté sur le revenu des éleveurs concernés, « qui restent gagnants compte tenu des avantages que leur confère ce système », selon Anne Lacoste. Porte d’entrée vers le zéro antibio Sans la castration, les porcs évitent une mutilation qui laisse une plaie, soit un accès ouvert pour les bactéries. Les porcs se portant mieux, Cooperl a voulu passer un cap supplémentaire en supprimant les antibiotiques dès la fin du sevrage. En 2014, une cinquantaine d’éleveurs ont joué le jeu. Verdict : les vaccins nécessaires coûtant plus cher que les antibiotiques, et le « zéro antibio » nécessitant des investissements à l’atelier (lavabos, sas…), la démarche est moins avantageuse financièrement pour les éleveurs. Et l’aval n’est pas forcément près à valoriser cet effort à hauteur de son surcoût. Reste qu’aujourd’hui, 10 % des quelques 2500 adhérents ont pérennisé cette pratique, et la Cooperl est obligée d’en faire patienter d’autres, en attendant un déblocage des débouchés. (1) Les verrassons sont des porcs castrés mais présentant les odeurs malgré tout.