Loi sur la consommation : les associations renforcées et des sanctions plus lourdes
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Le projet de loi sur la consommation a été adopté le 13 février par les sénateurs et députés. Il fait l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel, notamment sur l’action de groupe et le montant des sanctions jugé disproportionné. Il pourrait, sous cette réserve, entrer en vigueur fin mars ou début avril. A l’occasion du Salon de l’agriculture, le cabinet d’avocat JeantetAssociés a organisé le 27 février dernier une table ronde autour de deux points majeurs contenus dans la loi : l’action de groupe pour les consommateurs et le renforcement des sanctions et des moyens d’action de l’administration. Plus de pouvoir juridique aux associations de consommateurs « L’introduction de l’action de groupe en droit de la concurrence et de la consommation va changer les rapports de force entre les entreprises et les consommateurs », reconnait Thomas Picot, avocat-associé au sein de l’équipe droit de la concurrence et droit de la consommation du cabinet JeantetAssociés. Dès 2014, l’action de groupe va offrir une voie de recours collective pour traiter les litiges de consommation de masse et pour réparer les préjudices économiques. La procédure est de type « opt-in », c’est-à-dire que chaque individu devra faire savoir auprès de l’association qu’il souhaite se rallier au groupe. « Une différence notable avec le système américain », note Thomas Picot. L’association gérera les fonds d’indemnisation et se chargera de les répartir entre les plaignants. Par ailleurs, la structure impliquée sera obligée de communiquer sur le contentieux en cours. Enfin, la loi introduit une action de groupe dite simplifiée qui permettra au juge, lorsque l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus, de condamner le professionnel à les indemniser directement et individuellement. « La loi ne fournit toutefois aucune précision sur la possibilité pour les consommateurs de se manifester individuellement, ce qui pourrait être considéré comme contraire à la tradition juridique française qui veut que nul ne plaide par procureur », poursuit l’avocat. Des suites de l’affaire Spanghero La loi prévoit également un renforcement des sanctions et des moyens d’action des agents de la concurrence et de la consommation (enquêteurs mystères, extension des pouvoirs de perquisitions). « Dans un contexte économique fragile et surmédiatisé, l’affaire de la viande de cheval a affaibli la confiance du consommateur et de fait le secteur agroalimentaire. L’une des solutions proposées par la loi sur la consommation consiste à augmenter significativement les sanctions pour responsabiliser davantage les entreprises », explique Julia Bombardier, avocate au sein de l’équipe de droit de la concurrence et de la consommation du cabinet JeantetAssociés. En matière de délit de tromperie, comme de pratiques commerciales trompeuses, les peines encourues pourront atteindre jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende pour une personne physique et 1 500 000 euros pour une personne morale dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel. La loi ne précise toutefois pas si ce montant concerne seulement la filiale ou le groupe qui la contrôle comme en droit de la concurrence. « Ces deux infractions peuvent se ressembler mais elles sont différentes, ce qu’ont parfois tendance à oublier certaines juridictions. A la différence de la pratique commerciale trompeuse (ou publicité trompeuse), la tromperie nécessite une intention frauduleuse. La loi sur la consommation aurait pu être l’occasion de clarifier les choses et de différencier le montant des sanctions », analyse Julia Bombardier. Tromperie et non-conformité En outre, pour la tromperie aggravée, la sanction pénale pourrait atteindre dans les cas les plus graves (danger pour la santé de l’homme ou de l’animal) sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende pour une personne physique (et 3 750 000 d’amende pour une personne morale ou 10 % du chiffre d’affaires, sans compter les peines complémentaires). Enfin, si en matière alimentaire la sanction du non rappel des produits est renforcée, la loi prévoit également que tout opérateur devra désormais informer sans délai des non-conformités portant sur une qualité substantielle, sous peine d’encourir une sanction d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende pour une personne physique (750 000 euros pour une personne morale). « Une obligation et une responsabilité extrêmement lourde », selon Thomas Picot qui rappelle que le montant des sanctions fait actuellement l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel. « Il appartiendra notamment au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et le montant des peines encourues, qui peuvent mettre en péril l’activité des entreprises », conclut Julia Bombardier.