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« Pas de projet agricole sans consensus entre agriculteurs et citoyens » : Jean-Claude Bevillard, FNE

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Jean-Claude Bevillard, pilote du Réseau agriculture de France Nature Environnement, constate la difficulté du monde agricole à communiquer envers l’opinion. Entretien avec Référence environnement. Référence environnement : Comment observez-vous l’évolution de la communication du monde agricole ? Jean-Claude Bévillard  : J’ai l’impression que la communication du syndicalisme se bâtit sur des opérations coups de poings. Je ressens un climat désemparé, la crainte de ne plus être entendu par l’opinion, le tout sur fond de divisions. Des agriculteurs s’en tirent bien, d’autres sont en difficulté. Or le lobby des céréaliers pèse plus lourd que celui des éleveurs. R.E. : Le Grenelle de l’environnement avait pourtant créé une zone d’échanges… J.-C. B. : Effectivement, le Grenelle a rebattu les cartes de la concertation. Pendant quelques années, il y a eu un climat sinon apaisé, du moins entrant dans un cadre normal. Il reste quelques espaces pour échanger, comme le Conseil national de la transition écologique et le Conseil économique, social et environnemental. Mais le dialogue reste pour l’instant difficile avec la profession agricole et il débouche sur peu résultats. R.E. : Vous avez participé en septembre 2012 à une journée commune de médiation avec le Farre (1). Cela a-t-il été utile ? J.-C. B. : L’initiative était intéressante, car elle a permis la confrontation des points de vue. Les témoignages des agriculteurs de Farre étaient à peu près sur la même ligne que ceux mis en avant par FNE. Toute une frange d’agriculteurs sent bien qu’il faut évoluer vers des systèmes durables, que ce soit à la Confédération paysanne ou à la FNSEA. Mais le syndicalisme oblige à une surenchère et à des positions abruptes. R.E. : Vous aussi vous êtes challengés par d’autres organisations, comme Générations Futures… J.-C. B. : Nous sommes complémentaires. Générations Futures soulève les vrais problèmes, bien qu’ils soient moins orientés dans la prise en compte de l’ensemble des enjeux. FNE s’inscrit dans la concertation, à tous les niveaux du territoire, à partir d’une prise en compte de la globalité de l’environnement. Notre socle de référence réside dans une agriculture productive à bas niveau d’intrants qui respecte le milieu tout en répondant aux enjeux alimentaires. R.E. : Quelles seraient les clés d’une communication crédible du monde agricole ? J.-C. B. : D’abord le fait de reconnaître les défauts des systèmes actuellement dominants, point de départ pour aller vers un constat partagé. Le monde agricole comme une partie du monde associatif butent sur une déconnexion trop importante entre l’agriculture et la masse des citoyens. Nous sommes une nation agricole, mais la réalité de l’agriculture, ses contingences, échappent à un grand nombre. Or, il n’y aura pas de projet agricole sans un consensus entre agriculture et citoyens. La préservation de l’espace agricole est peut-être une fenêtre ouverte. Avançons rationnellement, sinon nous allons laisser la passion l’emporter. (1) Farre : Forum des Agriculteurs Responsables Respectueux de l’Environnement