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Changer l’approvisionnement des restaurants collectifs sera progressif, selon le Syndicat national de la restauration collective

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R.E. : Comment appréhendez-vous les changements d’approvisionnement, en restauration collective, portés par la loi Égalim ?

D.B. : Les mesures portées par la loi Égalim ne seront pas appliquées en un claquement de doigts. Les décrets sont encore en cours de rédaction, et la caractérisation des 50 % d’aliments « de qualité » est encore à peaufiner, sauf pour les 20 % de bio. Certains acteurs de la restauration collective auront besoin de temps pour s’adapter à ces évolutions, d’autres n’ont pas attendu pour anticiper ces changements et pour agir dans ces domaines : 60 % de nos approvisionnements viennent de France et en 2016, les produits bio représentaient 229 M€ d’achats.

Cependant, les sociétés de restauration collective en gestion « concédée » doivent d’abord répondre aux attentes de leurs clients. Si ces derniers ne veulent pas suivre les orientations de la loi, nous n’avons aucun moyen de les y forcer. S’ils veulent s’y plier, nous serons en mesure de le faire, mais la question du prix, et de la disponibilité des aliments, se pose, car ce sont nos clients qui fixent leurs budgets et contraintes dans le cahier des charges.

R.E. : Justement, quelles sont les implications concrètes des mesures de la loi sur ces aspects ?

D.B. : Prenons le cas du bio. Un produit bio, aujourd’hui, est plus cher que son équivalent conventionnel. Pour les acteurs qui n’en proposaient pas, passer de 0 % à 20 % de bio, cela coûte plus cher : si l’enveloppe globale du repas que nous fixent nos clients n’augmente pas, alors les moyens alloués aux 80 % restants seront mathématiquement moins importants, et donc les aliments concernés potentiellement de moindre qualité. Autre réalité : les approvisionnements, après la loi Égalim, pourraient nécessiter de travailler avec davantage de fournisseurs pour pourvoir aux quotas de qualité, avec les frais supplémentaires que cela peut impliquer.

Nous devons également nous poser la question de l’origine des produits. Aujourd’hui, la France importe déjà du bio. Compte tenu du temps nécessaire pour la conversion, l’autonomie n’est pas pour tout de suite. Où trouver le bio supplémentaire ? À l’import ? Est-ce l’esprit de la loi ?

R.E. : Le Conseil national de la restauration collective (CNRC) mis en place en mars vous semble-t-il un bon moyen d’y parvenir ?

D.B. : Nous avons été invités, donc nous y participons. Mais nous estimons que les conditions ne sont pas réunies pour progresser. Notre collège de professionnels ne compte que dix membres sur 54. Les quarante autres sont dans l’injonction, dans le « il n’y a qu’à ». Nous sommes ouverts au débat, mais nous ne comptons pas sur ces grands-messes pour avancer.

Nous essayons de travailler davantage de notre côté, avec nos interlocuteurs au niveau local, en particulier nos distributeurs. Nous souhaitons aller au-delà d’un coup de communication, pour un modèle pérenne à construire progressivement. Cette pérennité vise non seulement nos adhérents, mais aussi et surtout l’amont des filières, qui doivent vivre de leur travail.