Pesticides, « la charte a réduit les tensions avec les riverains », Laurent Rougerie, président du syndicat de la pomme du Limousin
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« La loi s’est inspirée de nos travaux », estime Laurent Rougerie, président du syndicat de la pomme du Limousin. Un projet de décret et d’arrêté pour la protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des lieux d’habitation a été présenté le 27 juin par le ministère de l’Agriculture afin de généraliser la pratique des chartes.
Des chartes pour se concerter
Dans le Limousin, une telle démarche a été enclenchée depuis 2015 et signée en mars 2017 entre les 200 producteurs de pommes et les associations de riverains, en partenariat avec l’association des médecins pour la lutte contre les phytosanitaires, les représentants de l’État, les conseils départementaux et le préfet. « Nous avons été consultés par plusieurs ministères, car nous avons été précurseurs, explique Laurent Rougerie. C’est une bonne chose de généraliser une concertation entre riverains et agriculteurs, plutôt que de l’imposer de manière descendante. »
Pourtant, Laurent Rougerie a dû user d’énergie pour convaincre les agriculteurs : « Le syndicat agricole majoritaire de Corrèze était opposé à cette charte. Alors que la FDSEA de la Haute-Vienne y était favorable, et que celui de la Drôme, par exemple, est venu nous voir pour comprendre comment nous avions fait. Cela dépend des régions et des hommes. » Le choix a été fait de laisser à chaque agriculteur la liberté de s’engager ou non. Aujourd’hui, plus de 90 % des arboriculteurs ont signé la charte. « Elle a permis de baisser les tensions avec les riverains qui reprochaient au monde agricole un manque de transparence », poursuit-il.
Trente kilomètres de haies
Dans le Limousin, l’accent a été mis sur la lutte contre la dérive des produits phytosanitaires. « Le moyen phare est l’implantation de haies. Sur demande des riverains, les agriculteurs peuvent également être amenés à ajouter des filets anti-dérive. Nous voulions éviter la mise en place de zones non traitées grâce aux dispositifs contre la dérive. Mais si l’arboriculteur n’en met pas, alors les vergers doivent être éloignés d’au moins cinquante mètres des propriétés bâties. » Les agriculteurs se sont également interdits de traiter les dimanches et les jours fériés, sauf en cas de force majeure. Trente kilomètres de haies ont été plantés, dix autres le seront cet hiver. « Outre la protection des riverains, ses haies ont des vertus agroécologiques. C’est un vrai changement d’état d’esprit de la filière », poursuit le président du syndicat de la pomme du Limousin.
Difficile d’avertir douze heures avant
Pour améliorer le dispositif, le Comité de suivi de la charte travaille avec les médecins sur les molécules phytosanitaires utilisées. Et planche actuellement sur les moyens de prévenir les riverains lors d’un traitement, par le biais d’appli par exemple. Le projet de décret prévoit une information au moins douze heures avant traitement, ce qui questionne Laurent Rougerie. « Cela me parait difficilement applicable, car parfois la décision se prend à l’instant T, notamment du fait de la météorologie, indique-t-il. Prévenir les riverains ne me semble pas une fin en soi, sauf lorsqu’ils le souhaitent. »