Face à sa potentielle remise en cause, la filière du compostage des boues d’épuration insiste sur ses atouts
Le | Environnement-agroecologie
Lutter contre l’appauvrissement et l’érosion des sols, réduire l’utilisation de ressources fossiles pour la fabrication de fertilisants et contribuer à l’atténuation du changement climatique en favorisant la séquestration du carbone dans les sols : lors d’une table ronde organisée le 15 octobre par la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement (Fnade), les acteurs de la filière n’ont pas manqué de rappeler les bénéfices de l’utilisation, par les agriculteurs, de compost de boues d’épuration et de déchets verts. Des pratiques qui répondent également « à l’attente des citoyens en faveur du recyclage et de la préservation de l’environnement », font-ils savoir.
Révision de la directive cadre des déchets
Or, ces pratiques pourraient être remises en cause par l’examen du projet de loi sur l’économie circulaire à l’Assemblée nationale, à la mi-novembre. « Le Sénat a confirmé, en première lecture, la possibilité de composter conjointement les boues d’épuration avec des matières végétales, plaide la Fnade. Il est nécessaire que cette avancée soit confirmée lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. »
Les inquiétudes des acteurs de la filière sont nées de la modification, l’an passé, de la directive cadre européenne qui impose aux États membres de mettre en place, avant le 31 décembre 2023, une collecte séparée ou non-mélangée des biodéchets. Ce qui pourrait entrer en conflit avec la réalisation de compost de boues d’épandage avec des déchets verts. Des dérogations sont néanmoins possibles, « si cela n’affecte pas la capacité de ces déchets à faire l’objet d’un recyclage ou de toutes autres actions de valorisation », explique Emma Babin, avocate spécialisée en droit de l’environnement.
Des bénéfices validés par la recherche
Or, la seule alternative à cette utilisation agricole des boues d’épuration est l’incinération. Ce qui pourrait concerner trois millions de tonnes, « alors que leur valorisation sous forme de compost présente un intérêt agronomique indéniable », insiste la Fnade. En témoignent les conclusions de plusieurs programmes de recherche. « Le compost de boues et le compost de biodéchets sont les plus efficaces pour augmenter la matière organique des sols. Ils ont des efficacités supérieures à celle du fumier, lui-même supérieur au compost d’ordure ménagère résiduelle », explique ainsi Sabine Houot, directrice de recherche pour le programme Qualiagro de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra).
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a également mené des recherches pour évaluer les risques sanitaires de ces pratiques. « Lorsque les tests écotox sont exposés à des doses normales d’épandage, les résultats ne sont pas inquiétants. Quant à la dispersion de ces composts suite à l’épandage, les indices de risque sont rassurants et loin des valeurs seuils inquiétantes définies dans le cadre d’une évaluation des risques », indique Isabelle Déportes, ingénieur de recherche sur la question des déchets à l’Ademe.