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« Le bien-être animal n'est pas une histoire de bobos parisiens », Véronique Pardo, anthropologue au Cniel-Maison du lait

Le | Environnement-agroecologie

Référence environnement : Vous gérez l’observatoire du Cniel sur les habitudes alimentaires. Quelle est l’image de l’élevage auprès du grand public ?

Véronique Pardo : Elle reste très bonne. Environ 80 % des personnes interrogées en 2016, dans le cadre d’un baromètre sur l’image de l’élevage, ont une vision positive de l’élevage et des éleveurs. Toutefois, cette image s’érode à petit feu sur le long terme et de plus en plus vite. 58 % s’interrogent sur les pratiques du secteur laitier. Ce qui montre toute l’attention qu’ils y portent.

Une étude sur les inquiétudes alimentaires menée en 2016 par le Credoc, l’Ocha et l’université de Toulouse donne des éléments de réponse. Les craintes de sécurité alimentaire de 2009 suite à la vache folle ont laissé la place aux aspects de fraicheur des produits, de bien-être animal, d’agriculture intensive. Les citoyens se posent aussi des questions sur les conditions d’élevage et l’accès au pâturage, la séparation du veau de sa mère, l’écornage ou ébourgeonnage sans anesthésie, les pratiques de sélection… L’environnement n’est plus un réel sujet d’interrogation pour les consommateurs, mais il pèse au sein de la filière.

R.E. : Est-ce que les citoyens sont sensibles aux campagnes de communication comme celles de L214 ?

V.P. : Oui. 77 % des personnes interrogées et qui connaissent l’association, soit 38 % des Français, font confiance aux informations de L214. Leurs actions fonctionnent, le vocabulaire est en train d’évoluer. Dans leurs discours, l’éleveur nourricier est devenu l’éleveur barbare.

Pourtant les objectifs sont différents. L214 n’est pas une association de défense des animaux au sens strict, mais de promotion d’une société vegan. Les revendications de ces associations anti-élevage ne couvrent pas toutes les inquiétudes des citoyens. Lesquels ne sont pas anti-élevage, mais demandent une amélioration des standards.

R.E. : Comment les filières animales doivent-elle réagir ?

V.P. : Les attentes de la société sont urgentes. Ce ne sont pas des histoires de bobos parisiens. Les gens les plus inquiets par les conditions d’élevage ne sont pas les ultracitadins, ils viennent aussi du monde rural. L’éthique animale prend de l’ampleur dans toute la société. Pour autant, la porte au dialogue est ouverte, car les Français ne sont pas prêts à devenir vegan. Ils souhaitent simplement être mieux informés sur les conditions d’élevage et rassurés sur le fait que les éleveurs évoluent dans leurs pratiques.

La réponse ne sera pas uniquement dans une communication de la filière. Nous devons accomplir un travail en profondeur.