Offensive, Euralis choisit le conseil
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Avec l’arrêt de la vente des phytosanitaire annoncé par la coopérative à partir de 2021, le groupe Euralis engage un vrai changement de paradigme. Comment préserver le chiffre d’affaires ? Comment organiser cette évolution dans les équipes ? Comment gagner en performance ? La coopérative a décidé de construire un nouveau modèle agricole en misant sur l’innovation, l’agronomie et les savoir-faire de ses collaborateurs. L’enjeu est aussi de le co-construire avec les consommateurs.
Lors de l’Assemblée générale du groupe Euralis, organisée le 7 février au palais des congrès de Pau, Christian Pees, son président, a d’emblée voulu rassurer les coopérateurs : « Dans un monde perturbé, le groupe montre sa résistance ». Des choix stratégiques ont été effectués pour construire un autre modèle agricole. « Nous clôturons une séquence de 60 ans, prévient-il. La société ne veut plus d’une agriculture fondée sur le tout pétrole et le tout chimique. Avec l’arrêt de la vente des produits phytosanitaires annoncé par la coopérative à partir de 2021, le groupe engage un vrai changement de paradigme. » Même si la vente de ces produits est en repli, avec - 6 % enregistrés entre les deux précédents exercices, il va devoir se passer de cette ligne de résultat. « C’est un choix courageux. Le consommateur décide ce qu’il veut consommer, nous sommes offensifs. Nous prenons acte et nous nous projetons », avertit Christian Pees.
Les forces de la coopérative sont déployées sur l’accompagnement
Le défi économique à relever s’inscrit dans la durée. « Il ne va pas se résoudre dans l’année, ni dans les 2 à 3 ans qui viennent, il va nous falloir de nombreuses années pour aller au bout et atteindre l’efficacité économique, complète le président. Ces décisions vont nous compliquer la vie et nous aurons besoin d’accompagnement public et de partenaires financiers. » Il mise aussi sur l’innovation, la R&D et la conjugaison de tous les savoirs. L’accent est mis sur la technologie pour avoir moins d’impacts sur l’environnement. Parmi les démarches proposées par la coopérative : la certification HVE, avec une volonté de rendre le progrès accessible à tous les adhérents et que ce modèle devienne l’agriculture conventionnelle de demain. « Les forces de la coopérative sont déployées sur l’accompagnement, explique Christophe Conques, administrateur Euralis, président de la commission territoriale Sud Aquitaine. Le choix du conseil nous oblige à renforcer les compétences et formations » L’objectif est de remettre l’agronomie au centre des stratégies. À noter, 265 agriculteurs sont certifiés bio dont 35 nouveaux en 2018.
Le maître mot est co-construction
Pour Christian Pees, les décisions devront aussi se prendre en lien avec la société afin de mieux comprendre les changements de mentalité. Le maître mot est co-construction : « Communiquer sur notre démarche ne suffira pas. Il faut associer. On commence à s’y mettre mais il faut le faire massivement avec les coopérateurs, les salariés et tout notre environnement. »
Christophe Conques estime qu’il ne s’agit plus de « produire pour mettre en marché », mais désormais de raisonner à rebours « de la fourchette à la fourche » en proposant un modèle viable. La filière Label Rouge sur les canards gras destinés à la marque Montfort et celle des foies gras issus de canards élevés sans antibiotique de la marque Rougié en sont deux exemples. Ce rapprochement avec le consommateur se retrouve aussi via la vente directe, sous la marque « La table des producteurs ». Elle rassemble 532 agriculteurs et est distribuée dans les magasins points verts. Autre point de contact : l’ouverture d’un magasin-restaurant à Sainte-Eulalie près de Bordeaux en mai 2018. D’autres sites devraient suivre. Enfin , une charte sur le bien-être animal est aussi en cours d’élaboration. Les éleveurs souhaitent qu’elle soit bâtie avec les consommateurs. Cette posture se révèle proactive face aux attentes des consommateurs qui, à travers les différentes études, placent le bien-être animal dans le haut de la liste de leurs attentes vis-à-vis de l’agriculture.
Entretien avec Philippe Saux, directeur général d’Euralis - « Nous préparons notre plan d’action »
« Notre rôle est de bien conseiller l’agriculteur afin qu’il puisse maîtriser le marché, produire mieux. Le meilleur moyen pour répondre à cet objectif et compenser l’arrêt de l’activité de vente de phyto est de créer une chaine de contribution de valeur. La marge phyto sera à remplacer par la distribution logistique, la rémunération des derniers km. Nous serons aussi garants de la bonne prescription. Notre challenge est de définir le service que nous allons proposer aux agriculteurs. Le digital farming entre dans ce périmètre. Nous avons déjà commencé la réorganisation des équipes de techniciens en culture et redéfinit leurs missions. Quand le cap est clair, les salariés suivent. Les moyens déployés pour accompagner ce changement reposent sur la formation et le management ».