Agroécologie

Biodiversité : « La plupart des évaluations se concentre sur une partie seulement » France Stratégie

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Dans une note d’analyse publiée le 18 décembre 2024, France Stratégie décrit les différentes valeurs associées à la biodiversité et les méthodes permettant de les évaluer, notamment d’un point de vue monétaire. Elle propose également une analyse critique de certaines valeurs concernant la France et explore les utilisations possibles de ces valeurs dans le cadre de la planification écologique.

Biodiversité : « La plupart des évaluations se concentre sur une partie seulement » France Stratégie
Biodiversité : « La plupart des évaluations se concentre sur une partie seulement » France Stratégie

« Les valeurs associées à la biodiversité sont diverses, tout comme les méthodes permettant de les estimer. Malgré cela, la plupart des évaluations se concentre sur une partie seulement des valeurs associées à la nature, principalement des valeurs d’usage. C’est tout particulièrement le cas des évaluations monétaires de la nature, qui se concentrent sur l’évaluation des variations de bien-être associées à certains services écosystémiques bénéficiant directement aux activités humaines », indique France Stratégie (ou CGSP) dans la conclusion sa note d’analyse (« Mettre en valeur(s) la biodiversité : état des lieux et perspectives ») publiée le 18 décembre 2024.

Dans celle-ci, France Stratégie décrit les différentes valeurs associées à la biodiversité et les méthodes permettant de les évaluer, notamment d’un point de vue monétaire. Elle propose également une analyse critique de certaines valeurs concernant la France et explore les utilisations possibles de ces valeurs dans le cadre de la planification écologique.

Selon les estimations de l’Efese ou de la Commission européenne, la valeur monétaire associée à huit services écosystémiques en France (production agricole, récolte de bois, pollinisation, usages récréatifs, séquestration de carbone, contrôle des inondations, purification de l’eau, rétention des sols) se situe entre 18 et 49 Md€ par an, soit 0,6 % à 1,8 % du PIB, selon la note de France Stratégie.

18 Md€ de CA pour les huit services écosystémiques, selon le JRC

    • Les travaux d’évaluation de la biodiversité s’attachent surtout à décrire les valeurs instrumentales, c’est-à-dire les valeurs associées à une utilisation de la biodiversité. Dans son évaluation des multiples valeurs de la nature, l’IPBES estime que sur 1 163 études recensées, 74 % relèvent de valeurs instrumentales, 20 % de valeurs intrinsèques et 6 % de valeurs relationnelles. Cette dominance des valeurs instrumentales dans les évaluations traduit le fait que ces valeurs sont souvent mieux définies et moins difficiles à évaluer.

    • Les méthodes fondées sur les prix de marché sont les plus fréquentes, car elles sont aisées à mettre en œuvre. Il suffit en effet de disposer de données sur les prix de biens issus des écosystèmes comme des poissons ou du bois, ou de services culturels comme des activités touristiques en pleine nature pour fournir une estimation. Le rapport de la première phase de l’Efese estime à 80 Md€ par an le chiffre d’affaires des activités économiques dont les écosystèmes français sont le support, dont 57 % sont attribuables aux grandes cultures et 32 % à l’élevage.

    • Le JRC évalue à 18 Md€ la valeur de huit services écosystémiques fournis en France en 2018. Les données du JRC permettent de présenter la répartition de cette valeur totale entre écosystèmes et services écosystémiques. Cette valeur provient avant tout des usages récréatifs (5,8 Md€), suivis par :

      • le service de purification de l’eau (4,7 Md€),

      • la récolte de bois (2 Md€),

      • le contrôle des inondations (1,8 Md€),

      • la production agricole (1,6 Md€),

      • la séquestration du carbone (1,1 Md€),

      • la rétention des sols (969 M€)

      • et la pollinisation (520 M€).

      • Ces services sont liés aux différents écosystèmes présents en France. Plus de la moitié de cette valeur peut ainsi être associée aux bois et forêts (8,4 Md€), puis aux terres cultivées (7,1 Md€) et aux prairies (2 Md€). Dans les écosystèmes agricoles, les services écosystémiques les plus importants en termes monétaires sont la purification de l’eau, la production agricole, la pollinisation et la rétention des sols.

      L’évaluation du service de production agricole par l’Efese, « nettement supérieure » à celle du JRC

        • Le service de production agricole correspond à la part des rendements de grandes cultures qui ne sont pas dus à des interventions humaines (tels l’engrais, l’irrigation, etc.). En France, cette part est estimée à 15 % pour le blé tendre et 9 % pour le maïs, et elle est supérieure pour les systèmes agroécologiques, notamment en agriculture biologique. La valeur obtenue (1,6 Md€ par an) en prenant également en compte les prix de marché des productions est nettement inférieure à la valeur générée par les grandes cultures (45 Md€) en 2018.

        • L’évaluation du service de production agricole par l’Efese est nettement supérieure à l’évaluation du JRC, malgré une approche similaire visant à évaluer la contribution des seuls écosystèmes (hors engrais et irrigation) à la production agricole. Cette différence peut notamment s’expliquer par l’utilisation de modèles et de périmètres spatiaux différents et par la finesse de modélisation des pratiques agricoles.

        • L’évaluation du service de pollinisation cherche uniquement à analyser la contribution de la pollinisation à la production agricole. Pour cela des indices de dépendance des cultures aux insectes pollinisateurs (abeilles, papillons, cétoines, etc.), mesurant la perte de production induite par la disparition des pollinisateurs, sont mobilisés. Ces indices atteignent par exemple 95 % pour les melons, et 65 % pour les pommes et les cerises. La dépendance est faible pour les oranges et les tomates (5 %), et nulle pour les céréales. La différence entre les chiffres du JRC (520 M€ par an) et de l’Efese (3,8 Md€ par an en moyenne) s’explique par le fait que le JRC prend en compte la capacité des habitats à accueillir des pollinisateurs grâce à un indicateur de présence de bourdons.

        Le ZAN, une « piste prometteuse »

          • Une approche complémentaire propose de privilégier l’évaluation des coûts de renaturation ou de maintenance permettant d’atteindre les objectifs de bon état écologique des écosystèmes. Se pose alors la question de la manière de fixer ces objectifs et de leur acceptabilité sociale. Une piste prometteuse consiste en particulier à exploiter l’objectif « Zéro artificialisation nette » qui permet de déduire, via le coût associé au respect de cette contrainte, une valeur associée à la non-artificialisation.

          • Ces évaluations monétaires sont utiles pour éclairer des processus de décision relatifs à la gestion de la biodiversité, mais elles ne permettent pas de décrire de façon satisfaisante la contribution de la nature à la richesse nationale au sein des comptes de l’environnement. En outre, elles ne peuvent se substituer à des processus délibératifs légitimes et représentatifs, avec les parties prenantes concernées, afin de prendre en compte l’ensemble des perspectives et valeurs relatives à la biodiversité, et aussi de renforcer l’acceptabilité des décisions.