« Notre logiciel sur les biosolutions sera lancé lors du salon ABIM », Louis Gauthier, Doriane
Le | Nutrition & fertilisation
La société Doriane lance un logiciel dédié à l’expérimentation de biosolutions. Développé en collaboration avec l’Inrae et d’autres partenaires, il sera présenté au salon ABIM, qui se tient du 21 au 23 octobre 2024 à Bâle, en Suisse. L’entreprise, qui a doublé son équipe, vise 20 % du marché des biosolutions d’ici 2029, avec un chiffre d’affaires prévisionnel de quatre millions d’euros d’ici la fin 2025. Louis Gauthier, directeur, qui a repris l’entreprise avec son épouse Marine en juin 2022, nous explique les ambitions de ce projet.
Vous lancez un logiciel pour l’expérimentation des biosolutions. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Louis Gauthier : La société Doriane a historiquement concentré ses activités sur le secteur des semences, avec une forte présence à l’international, notamment au Brésil, aux États-Unis et au Canada. Nous comptons aujourd’hui une trentaine de clients semenciers travaillant sur différentes espèces. Notre logiciel est un outil fondamental dans leur quotidien, comparable à un ERP pour la recherche. Il leur permet de saisir et d’organiser leurs protocoles d’expérimentation, et surtout de prendre des décisions éclairées en s’appuyant sur des données génomiques, phénotypiques et environnementales. Ils peuvent, par exemple, suivre les résultats des croisements de plantes et choisir les meilleures variétés. De plus, notre solution intègre la gestion du germplasm et du pedigree, des fonctionnalités précieuses pour les équipes techniques et les financiers.
Deux éléments ont été déclencheurs dans notre décision d’étendre nos solutions au secteur des biosolutions. Tout d’abord, nous avons commencé à travailler avec des instituts techniques et des entreprises d’expérimentation agronomique sur différents types d’essais, et non seulement sur les variétés. La décision de Terres Inovia en novembre 2023 et celle du CTIFL en janvier 2024 de nous confier l’intégralité de leurs expérimentations, y compris dans le domaine des biosolutions, a joué un rôle central.
Le second déclencheur a été notre succès dans le cadre du programme européen Eurostars, qui soutient les projets innovants des PME. En novembre 2023, nous avons reçu un financement pour développer le premier logiciel dédié à la recherche et à l’expérimentation des biosolutions. Ce projet est mené en partenariat avec Sicop, une société espagnole d’expérimentation, et Symbiagro, un producteur italien de biostimulants. Nous avons obtenu un financement de 850 000 € pour un budget global de deux millions d’euros.
Notre logiciel sera officiellement lancé lors du salon ABIM (Annual Biocontrol Industry Meeting), qui se tient du 21 au 23 octobre 2024 à Bâle en Suisse, consacré au biocontrôle.
Quelle est l’approche spécifique de votre outil dans le cadre de l’expérimentation sur les biosolutions ?
Louis Gauthier : L’un des avantages compétitifs de notre logiciel réside dans sa capacité à contextualiser de manière précise l’environnement pédoclimatique des expérimentations. Pour les biosolutions, il est essentiel de comprendre dans quelles conditions les produits de biocontrôle ou les biostimulants fonctionnent de manière optimale. Cela nécessite de disposer de données granulaires sur l’ensemble des paramètres environnementaux.
Nous prenons en compte plusieurs dimensions. D’un côté, les conditions pédoclimatiques, à savoir le type de sol, les données météorologiques, ainsi que la présence de maladies ou de ravageurs dans la zone d’expérimentation. De l’autre, nous intégrons les pratiques agronomiques mises en œuvre : quelle variété de plantes a été utilisée, quelle dose de produit a été appliquée, à quel moment, quelles sont les rotations de culture, ou encore si le champ a été labouré ou non.
Cette granularité des données nous permet de produire des analyses statistiques fiables et d’adopter une approche multifactorielle. Concrètement, cela signifie que nous pouvons tester différentes combinaisons de produits de biocontrôle et de biostimulants, ou encore évaluer l’effet de ces produits en association avec certaines variétés de plantes. Notre objectif est de mieux comprendre les interactions complexes entre la plante, son environnement et les biosolutions utilisées, afin d’optimiser leur efficacité.
Comment avez-vous collaboré avec vos partenaires pour développer cet outil ?
Louis Gauthier : Nous travaillons depuis un an en étroite collaboration avec eux, parmi lesquels figurent des institutions comme l’Inrae ou l’Inria. Nous sommes également membres du bureau de l’association Abba, qui vise à porter le Grand Défi Biocontrôle et Biostimulation pour l’agroécologie. Notre premier client bêta-testeur, Kelp Blue, développe des biostimulants à base d’algues marines. Ils ont joué un rôle important en testant le logiciel en avant-première et en nous fournissant des retours détaillés sur leur expérience. Cela nous a permis d’ajuster l’outil pour qu’il réponde parfaitement à leurs besoins, tout en validant les cas d’usage spécifiques.
Le fait de tester le logiciel directement avec nos clients nous a rassurés sur sa fiabilité et sa pertinence avant son lancement officiel. Nous sommes aujourd’hui en discussions commerciales avancées avec plusieurs autres partenaires potentiels.
Quelles ont été les évolutions au sein de votre entreprise depuis ce projet ?
Louis Gauthier : Notre équipe est passée de 17 à 30 personnes, et nous avons actuellement cinq postes à pourvoir, principalement pour des ingénieurs spécialisés dans les données, des développeurs et un chef de projet. Notre stratégie de recrutement a été de chercher des talents issus d’industries variées.
En parallèle, nous avons également intégré des profils agronomes et des data scientists, dont certains issus de l’Inrae. Cette diversité de compétences nous permet d’apporter des pratiques innovantes au sein de notre secteur.
Quels sont vos objectifs ?
Louis Gauthier : Nous visons à conquérir 20 % du marché des biosolutions d’ici 2029, en ciblant à la fois les grandes entreprises et les pure players. Nous nous concentrons également sur les instituts techniques en France et à l’étranger, ainsi que sur les coopératives et négoces qui mènent des expérimentations agronomiques poussées avec une logique multifactorielle. Nos principaux marchés incluent les États-Unis, le Brésil, l’Espagne, l’Italie, et bien sûr la France.
En termes de chiffres, nous prévoyons un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros pour 2024, contre 2 millions en 2023, et nous visons les 4 millions d’euros d’ici la fin 2025. Nous avons enregistré des succès commerciaux avec des clients comme RAGT ou Limagrain, où nous avons été sélectionnés pour un projet d’envergure de transformation de leur département développement, sur les différents produits de la société Doriane.
Quels sont vos produits ?
Louis Gauthier : Le logiciel que nous lançons s’appelle Bloomeo biosolution. Nous avons également Bloomeo plant breeding, Bloomeo agro testing et Bloomeo product development, sorti il y a un an. Chacun de ces logiciels est accompagné d’un service de support. Au-delà du simple produit, nous proposons un accompagnement au changement, en adaptant le logiciel aux besoins spécifiques de nos clients. Cela inclut par exemple la définition d’une ontologie commune, pour que tous les utilisateurs au sein d’une même organisation utilisent les mêmes variables et mesures.