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Le développement de l’agriculture biologique limité par les disponibilités en azote

Le | Decryptage-prospective

Des chercheurs français ont publié une étude mettant en relation les disponibilités en azote utilisable en agriculture biologique et le développement de ce modèle de production à l’échelle mondiale. Des leviers ont été identifiés pour parvenir à l’équilibre et répondre à la demande alimentaire.

© CC pxhere - © D.R.
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Une étude menée par une équipe de recherche de l’Inrae et de Bordeaux Sciences Agro, et publiée le 13 mai dans Nature Food , révèle que le développement de l’agriculture biologique à l’échelle mondiale est conditionné par le risque de déficit d’azote. En effet, l’azote issu de fertilisants de synthèse n’est pas autorisé en agriculture biologique. Le modèle repose majoritairement sur les effluents d’élevage et la culture de légumineuses, qui captent et fixent l’azote atmosphérique. Or, l’utilisation des effluents est fortement restreinte depuis le 1er janvier 2021 et la mise en application du règlement (CE) n° 889/2008 relatif à la production biologique, qui interdit l’usage de fertilisants provenant d’élevages industriels.

Le développement du bio pourrait entraîner un déficit d’azote

Les chercheurs se sont interrogés quant au frein au développement que pourrait constituer la disponibilité en ressources azotées compatibles avec le cahier des charges biologique. Une modélisation leur a permis de déterminer l’offre et la demande en azote en fonction de différents scénarios de développement de l’agriculture biologique mondiale, allant jusqu’à 100 % des cultures en agriculture biologique. Ce modèle a révélé que dans de nombreuses régions du monde, l’augmentation conséquente des cultures cultivées en agriculture biologique ferait apparaître un déficit marqué en ressources azotées, entraînant une baisse des rendements. L’élevage demeure primordial pour fertiliser les cultures, mais l’étude met en garde contre la concurrence entre animaux et humains pour l’accès aux produits de l’agriculture.

Des leviers pour éviter le déficit d’azote

Pour parvenir à l’équilibre entre productions végétales et animales et optimiser le recyclage de l’azote, plusieurs leviers ont été identifiés. Le premier serait de réduire le nombre d’animaux d’élevage, en particulier en élevages porcins et aviaires, les porcs et la volaille étant nourris avec des céréales consommables par l’humain. Deuxième levier : la relocalisation des élevages de ruminants au plus près des cultures, notamment dans les prairies.

L’équilibre entre développement du bio et ressources azotées passe également par un changement des pratiques humaines, notamment un rééquilibrage de la consommation alimentaire mondiale : elle est estimée à 2890 kcal par personne et par jour en moyenne, avec 3000 kcal en Europe et Amérique du Nord, alors que 2200 kcal seraient suffisant. Enfin, la réduction de 50 % du gaspillage alimentaire est nécessaire.

L’ensemble de ces changements pourrait permettre d’atteindre 60 % d’agriculture biologique au moins à l’échelle mondiale, tout en répondant à la demande alimentaire. D’autres pistes sont à l’étude, notamment le développement des cultures de légumineuses. Une pratique concrétisée, en France, par le plan protéines végétales, qui devrait permettre d’augmenter de 40 % les surfaces dédiées en trois ans.

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Le développement de l’agriculture biologique limité par les disponibilités en azote - © D.R.
Le développement de l’agriculture biologique limité par les disponibilités en azote - © D.R.

Développement de l’agriculture biologique (AB) : effet sur la production agricole (en rouge) et leviers activables pour soutenir la production et satisfaire la demande alimentaire (en vert). La figure indique le nombre de personnes pouvant être alimentées par la production agricole (biologique + conventionnelle) à l’échelle mondiale. La figure présente deux situations correspondant à 20 % (panneau A) ou 60 % (panneau B) de la surface agricole mondiale occupé par l’AB (le reste de la surface agricole étant occupé par l’agriculture conventionnelle, notée AC dans la figure). © Nature Food[/caption]