Interdiction des effluents d’origine industrielle en bio, des conséquences économiques importantes
Le | Reglementation
Depuis le 1er janvier 2021, l’agriculture biologique doit respecter l’interdiction européenne d’utilisation des effluents d’origine industrielle. Et ce, avec des critères précis, définis au niveau français. Arvalis recommande, en grandes cultures, de ne pas faire d’impasse en matière de fertilisation afin de ne pas mettre en péril la durabilité des systèmes sur le long terme.
Le règlement (CE) n° 889/2008 relatif à la production biologique interdit l’utilisation de fertilisants provenant d’élevages industriels. Faute de définition européenne, en cours d’élaboration, le Comité national de l’agriculture biologique (Cnab) de l’Inao, l’Institut national de l’origine et de la qualité, a fixé, pour la France, les critères correspondants à ces “élevages industriels”. Ces critères sont à respecter depuis le 1er janvier 2021.
Utilisation possible jusqu’au 1er janvier 2023
“Sont interdits, en agriculture biologique, depuis le 1er janvier 2021, les effluents en provenance d’élevages en système caillebotis ou grilles intégral et d’élevages en cages dépassant les seuils suivants, reposant sur la directive n° 2011/92/UE : 85 000 poulets de chair, 60 000 poules pondeuses, 3 000 porcs charcutiers, 900 truies”, rappelle Sandrine Thomas, de l’Inao, lors d’un webinaire organisé le 4 février 2021.
Les délais de commercialisation des fertilisants désormais interdits sont fixés au 1er janvier 2022. Les délais d’utilisation le sont au 1er janvier 2023. “Aucun délai n’est en revanche accordé pour les digestats issus de méthaniseurs qui ne remplissent pas les critères”, précise la spécialiste.
20 à 30 % de producteurs concernés
Selon Marianne Sanlaville, de La Coopération agricole Occitanie, intervenue lors de ce même webinaire, les enjeux de cette nouvelle réglementation pour la filière grandes cultures bio sont de taille. “20 à 30 % des agriculteurs enquêtés se disent concernés par l’utilisation d’effluents issus d’élevages industriels et les premiers impactés sont les producteurs de grandes cultures”, informe-t-elle. Se passer de ce type d’effluents n’est pas simple : le manque de disponibilité d’autres types de fertilisants et les coûts supplémentaires engendrés ressortent comme les principales difficultés.
“La France est l’un des États qui a connu la plus grande progression des surfaces de grandes cultures biologiques, souligne Marianne Sanlaville. Or ces surfaces ont besoin d’être fertilisées. La nouvelle réglementation ne va-t-elle pas freiner les conversions à l’agriculture biologique et remettre en cause les objectifs de progression en France ?”
L’impact sur les revenus des agriculteurs est attendu. La moindre disponibilité en fertilisants organiques va inévitablement conduire à une augmentation des charges en fertilisants, à une baisse de fertilité des sols et donc des rendements et volumes produits, voire à une réduction de la teneur en protéines des grains en blé tendre et blé dur. Se pose également la question d’une concurrence déloyale avec les autres pays, mêmes européens, qui ne respectent pas les mêmes règles.
Éviter les impasses de fertilisation
Les pistes évoquées pour pallier le manque de fertilisants disponibles en agriculture biologique s’orientent vers une plus grande autonomie des systèmes : développement des échanges entre éleveurs et céréaliers, amélioration de la connaissance des systèmes autonomes en intrants, optimisation des pratiques de la fertilisation en agriculture biologique. Mais la filière a besoin de temps pour adapter les systèmes et les pratiques.
Une chose est sûre : les impasses de fertilisation sont à éviter. “Nos simulations de scénarios dans les fermes-types bio montrent toutes que la marge nette des exploitations est impactée, explique Amélie Carrière, d’Arvalis-Institut du végétal. Mais elles révèlent que les impasses mettent en péril la durabilité des systèmes sur le long terme. Mieux vaut alors accepter un léger impact économique à court terme.”