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Viser l’approche système pour opérer la transition agroécologique

Le | Decryptage-prospective

L’approche système, qui met fin à la vision simplifiée du type “un problème, un intrant”, intéresse de plus en plus d’acteurs en France dans le cadre de la transition agroécologique. Son déploiement nécessite une évolution de la manière de travailler des agriculteurs et des conseillers, voire de réviser les politiques agricoles. Le point avec Jean-Marc Meynard, directeur de recherche en agronomie à l’Inrae, fervent défenseur du concept.

Viser l’approche système pour opérer la transition agroécologique
Viser l’approche système pour opérer la transition agroécologique

L’agroécologie, qui regroupe un ensemble de pratiques visant à valoriser les régulations biologiques et la fertilité des sols, s’accorde mal au raisonnement “un problème, une solution”. Les pratiques ne peuvent être pensées indépendamment les unes des autres, elles doivent être analysées en synergie, afin de construire des systèmes de production cohérents et adaptés à chaque situation. L’approche système devient alors la clé. Ce concept, Jean-Marc Meynard, directeur de recherche en agronomie à l’Inrae, le prône depuis longtemps. “L’efficacité des intrants nous a collectivement amenés à privilégier un raisonnement simple basé sur un lien direct entre pratique et production, explique-t-il lors d’un webinaire organisé par l’Acta et Agreenium, le 16 février 2021. À une pratique innovante correspond un gain de rendement, à un problème correspond un intrant. Mais ce type de raisonnement a ses limites : il néglige la variabilité du milieu et des exploitations et, entre autres, ne prend pas en compte les interactions entre techniques.”

“Les pratiques font système”

L’approche système est née du rejet du lien direct entre pratique et production. Car le fonctionnement de l’agroécosystème est source d’interactions entre les pratiques. Une pratique influe sur plusieurs fonctions et plusieurs critères de performance. Une fonction, un critère de performance est influencé par plusieurs pratiques. “Les pratiques font système, reprend Jean-Marc Meynard. Elles sont au cœur d’un réseau de déterminants. L’approche système consiste, pour évaluer, modifier ou reconcevoir les pratiques, à expliciter les relations entre ces pratiques et les différents déterminants : l’agroécosystème, les performances obtenues, les décisions de l’agriculteur, les ressources de l’exploitation et du territoire, les critères de performance de l’agriculteur.”

L’approche système favorise la coordination entre échelles. “Il faut de la souplesse dans le temps et dans l’espace, souligne le chercheur. Un problème rencontré à une échelle donnée peut être résolu à une autre échelle. Et si le raisonnement pluriannuel est essentiel, il n’exclut pas la résolution annuelle de certains problèmes.”

Des évolutions de raisonnement nécessaires

Le développement des approches système implique de nombreuses évolutions. Les agriculteurs doivent faire évoluer leur manière de raisonner : ne plus compter sur le produit miracle qui résout tout, mais combiner des techniques à effet partiel, avec une approche systémique ; anticiper plutôt que réagir. Le conseil doit lui aussi se transformer et passer du conseil descendant basé sur l’usage des intrants à l’accompagnement de l’évolution ou de la reconstruction d’un système technique. Enfin, les dispositifs de production de connaissances et l’organisation de la recherche et développement doivent également être révisés. “Nous devons accorder une place croissante aux savoirs des producteurs et construire des références non plus sur les techniques individuelles, mais sur les systèmes techniques”, précise Jean-Marc Meynard.

Le projet Syppre, qui accompagne les agriculteurs vers de nouveaux systèmes de production, montre que l’application du concept de l’approche système n’est pas aisé. Les enseignements des cinq premières années du programme révèlent de nombreux points positifs, notamment sur les indicateurs environnementaux, mais encore de nombreux points à améliorer, surtout côté rentabilité. Atteindre la multi-performance reste un défi.

Une politique inadaptée ?

Pour Jean-Marc Meynard, les politiques agricoles ont tendance à aller contre le déploiement de l’approche système. “Toutes les politiques menées avec une obligation de moyen, comme les MAE ou la conditionnalité des aides, sont contre productives, explique-t-il. Avec une obligation de résultats, les politiques seraient plus constructives, plus systémiques.”