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Élevage : -34 % de fermes dans les filières viandes françaises en 2035, selon l’Iddri

Le | Environnement-agroecologie

Selon une étude publiée par l’Iddri le 9 juillet 2024, le taux de couverture des filières viandes françaises passerait de 98 % en 2020 à 88 % en 2035. Il s’accompagnerait d’une diminution de -34 % des exploitations agricoles du secteur et d’une baisse de -15 % des émissions de gaz à effet de serre sur la même période.

Dans sa séance plénière du 16 janvier 2024, le CESE a voté une série de mesures pour relancer l’attr - © D.R.
Dans sa séance plénière du 16 janvier 2024, le CESE a voté une série de mesures pour relancer l’attr - © D.R.

Un rapport publié le 9 juillet 2024 par l’Iddri, en collaboration avec l’AScA, Solagro et I4CE propose une rétrospective des trois filières de viande en France (volaille, porc, viande bovine) depuis les années 1960 jusqu’à nos jours, ainsi qu’un scénario tendanciel jusqu’en 2035. Elle examine les enjeux socio-économiques tels que les emplois agricoles et agro-industriels, la balance commerciale, le nombre de fermes et d’outils industriels, ainsi que les enjeux environnementaux tels que les émissions de gaz à effet de serre (GES), les besoins en terres arables, l’intensification de la production végétale, l’évolution des prairies et des infrastructures agroécologiques, et l’importation d’impacts.

« L’objectif de ce rapport est de poser les bases d’un dialogue plus constructif à travers :

• le partage d’un diagnostic, ce qui s’est passé durant les 40-50 dernières années et les moteurs de ces transformations ;

• une projection à 2035, si on laissait les choses continuer telles qu’elles sont et, si cet avenir n’est pas souhaitable, les leviers à notre disposition pour faire différemment », indique Pierre-Marie Aubert, l’un de ses co-auteurs, le jour de sa parution à Paris.

Une croissance significative des filières jusqu’aux années 1990, suivie d’une stagnation.

« Dans les années 1960, la production de viande est une production opportuniste, qui peut être considérée comme un coproduit de la production laitière et de la traction animale, assurée par les bovins et les chevaux », déclare Pierre-Marie Aubert. Seuls 5 % de la consommation nationale de viande étaient importés à cette époque. « Jusqu’au milieu des années 1990, les trois filières vivent une croissance assez importante, jusqu’à devenir excédentaire. Leur pic est atteint à différents moments : en 1991 pour la filière bovine (106 % de taux de couverture), en 1999 pour les filières porcine (107 %) et volaille (141 %). Après les années 1990, la machine s’enraye et chacune des filières stagne, voire décroît », décrit Pierre-Marie Aubert. En 2020, les taux de couverture des filières bovine, porcine et volaille étaient respectivement de 98 %, 103 % et 93 %.

Cette évolution de la production s’est accompagnée d’un changement dans les caractéristiques des systèmes d’élevage, avec une concentration territoriale de la production animale en Bretagne et une spécialisation des fermes. Entre 1968 et 2020, le nombre de sites d’élevage porcin a diminué en moyenne de 7,6 % par an. Sur la période de 2000 à 2020, le nombre de fermes a diminué de 64 %, avec une baisse particulièrement marquée dans la filière volaille (-90 %).

Bien que les emplois agricoles aient diminué de -32 % depuis 2000, les emplois agro-industriels ont connu une croissance presque similaire à celle des volumes, avec une augmentation de +88 % entre 1962 et 1995 et de 9 % entre 1996 et 2020. « Cela signifie que les gains de productivité du travail réalisés en amont des filières sont plus que compensés par la diversification des filières vers l’aval », explique Pierre-Marie Aubert. Le solde de la balance commerciale a diminué depuis les années 2000, passant de 2,4 Mds€ en 2000 à 505 M€ en 2020. « Elle est passée dans la négative l’année dernière, notamment à cause de la grippe aviaire », indique le chercheur de l’Iddri.

Les réformes de la PAC mises en cause

Le rapport identifie plusieurs facteurs qui ont contribué à ce changement dans les années 1990 :

  • La commodification de la production, c’est-à-dire sa standardisation et sa massification, qui donne un avantage à la production la plus efficace en termes de coûts. Cette commodification n’a donc pas touché les filières de la même manière et a privilégié la volaille, qui s’est standardisée plus fortement que les autres productions et a connu une réduction de ses cycles de production. En 1960, la volaille représentait 12 % de la production de viande, c’est un tiers en 2020.
  • La libéralisation des marchés, avec la réforme de la PAC en 1992 et l’accord de Marrakech en 1995 qui mettent en concurrence les opérateurs français et suppriment progressivement les soutiens à l’exportation.
  • Les mesures environnementales intégrées par la PAC telles que les conditionnalités (2006), puis le verdissement (2013) et les éco-régimes (2022), dont la mise en œuvre se révèle compliquée dans de nombreux cas.
  • La subsidiarité croissante entre les États membres de l’UE, qui encourage une concurrence très forte à l’intérieur du marché unique

Pierre-Marie Aubert pointe également des « outils de production globalement moins performants en France, par rapport à d’autres pays européens ». Deux causes sont évoquées par l’auteur :

  • « du fait de la taille des exploitations françaises, leur niveau d’automatisation est inférieure ;
  • du fait de la largeur de gamme que sert l’industrie française, la productivité par kilogramme est inférieure ».

Au Danemark, où les structures de plus de 500 truies représentent 80 % du total des mères (contre 19 % en France), la productivité au travail est ainsi deux fois supérieure pour le porc et quatre à cinq fois supérieure pour la volaille.

Une baisse du taux de couverture de 98 % à 88 %

En ce qui concerne les perspectives futures, l’étude de l’Iddri prévoit une augmentation de 7 % de la consommation de volaille en 2035 par rapport à 2020, tandis que celle de porc diminuerait de 3 % et celle de bovins de 7 %. Le taux de couverture des trois filières combinées passerait de 98 % à 88 %, avec une couverture de 84 % pour la filière volaille, 98 % pour la filière porcine et 80 % pour la filière bovine. Le nombre de fermes continuerait de diminuer entre 2020 et 2035, mais à un rythme moins rapide que lors des deux décennies précédentes, avec une diminution de 2,3 % par an pour la filière volaille, de 4,9 % pour la filière porcine et de 2,6 % pour la filière bovine. Au total, 34 % des fermes fermeraient leurs portes entre 2020 et 2035, entraînant une diminution de 30 % des emplois agricoles et de 14,5 % des emplois agro-industriels.

Sur les aspects environnementaux, l’étude prévoit une diminution de 18 % des prairies, ce qui entraînerait des pertes d’émissions de carbone organique et d’azote. Les émissions de GES diminueraient de 15 %, partiellement compensées par une augmentation des émissions importées, pour un bilan final de -3 %.