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GES : les coopératives à l’origine de la moitié des émissions des secteurs agri et agro

Le | Cooperatives-negoces

Une étude de l’Iddri, dont certains résultats ont été rendus publics le 25 juin 2024, révèle que les coopératives agricoles sont responsables pour moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES) des secteurs agricoles et agro-alimentaires français.

« Sur le périmètre de ses activités (scope 1, 2 et 3), La Coopération Agricole (LCA) représente à peu près la moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES) agricoles et agro-alimentaires françaises. Si on ajoute les émissions liées aux importations et exportations, on arrive à peu près à 55 % », déclare Aurélie Cattalo, directrice Agriculture France à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), le 25 juin 2024. Le think tank a mené une étude prospective, en partenariat avec le Céréopa, pour le compte du syndicat des coopératives agricoles françaises afin d’identifier les leviers de décarbonation dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC).

L’ensemble des coopératives agricoles nationales émettent, en moyenne, 69 MTeqCO2 par an, issus à 77 % de la production agricole, à 12 % du fret et des transports, à 6 % de l’activité de transformation industrielle et à 5 % de la fabrication des emballages et de la gestion de leur fin de vie. Elles sont responsables de 40 % des émissions des industries agroalimentaires, de 30 % des émissions issues du fret et de la logistique du secteur alimentaire français. « Parmi les gros postes d’émissions liées aux activités spécifiques de LCA, on retrouve la fermentation entérique des bovins mais également l’épandage d’engrais minéraux », indique Aurélie Cattalo.

Plusieurs leviers de décarbonation étudiés

« Fort de ce constat, la suite de l’étude se concentre sur les leviers activables pour diminuer ces émissions liées à la production agricole. 18 leviers de réduction des GES et sept leviers de stockage de carbone ont été établis. Certains sont spécifiques à une filière, par exemple l’enherbement des vignobles, d’autres activables par la quasi-totalité des filières, comme l’amélioration des engins agricoles. Ces leviers ont été sélectionnés sur la base de la littérature scientifique mais aussi en respectant une contrainte fixée par LCA : ne pas toucher au mix produit », décrit la directrice de l’Iddri .

Elle poursuit : « Un autre impératif était d’être dans la trajectoire de la SNBC. Sur la base des leviers activés, nous sommes à environ -20 % des émissions de GES sur le périmètre LCA à horizon 2035, ce qui permet d’être dans les clous de la SNBC 2, qui préconise -18 % en 2030. Par contre, dans la SBNC 3, qui n’est pas complètement finalisée mais comporte néanmoins un arbitrage interministériel, l’objectif pour le secteur agricole est à -22 % à horizon 2030. Nous sommes un peu juste par rapport aux résultats de cette étude. C’est la trajectoire d’ici à 2050 qui nous intéresse. Les objectifs climatiques sont pensés dans cet horizon. Si nous voulons aller plus loin dans la diminution des GES, nous n’aurons pas d’autre choix que d’activer des leviers plus « radicaux », qui impliquent des changements majeurs ».

La SNBC « met les agriculteurs en situation d’impasse »

« L’une des critiques que l’Iddri adresse concernant la manière dont la SNBC est traitée est que premièrement, elle pense l’activation de leviers à volume de production constant, comme si cela allait avoir un impact mineur sur les opérateurs des filières agricoles. En fait, la baisse des quantités d’azote apporté envisagée est de l’ordre de 25 %. Ce n’est pas anecdotique. Certes, il y a la possibilité de baisser la quantité d’azote dans certains cas de figure sans avoir d’impact sur la production, mais à -25 %, cela ne va pas se faire à volume parfaitement équivalent. Ce n’est pas un sujet traité dans le cadre des négociations de la révision de la SNBC », regrette Aurélie Cattalo. Nous pourrions dire la même chose pour la production laitière : nous visons une réduction du cheptel tout en augmentant la part des vaches, y compris laitières, qui sont en pâturage. On se dit que probablement, il y a un loup dans l’affaire. Ce n’est pas très honnête vis-à-vis des opérateurs de la filière de leur prétendre qu’il ne va pas falloir qu’ils accompagnent la décarbonation d’une réflexion sur leur modèle économique liée à une potentielle baisse des volumes de production. C’est un tabou qui fait que nous avons du mal à avoir une pleine lucidité sur l’implication des leviers que la puissance publique se propose d’activer. »

«  La SNBC raisonne comme si les agriculteurs étaient pleinement indépendants pour déterminer leurs choix et leurs volumes de production. Or ils choisissent en partie leur production en fonction de ce sur quoi ils vont pouvoir être collectés, des prix d’achats, etc. Nous mettons les agriculteurs en situation d’impasse : nous ne pouvons pas leur assurer qu’ils trouveront des débouchés rémunérateurs pour les nouvelles modalités de production que l’activation des leviers nécessiterait », constate la directrice. Qui préconise : « Peut-être qu’il faut qu’on s’autorise à penser la transition en deux temps : une phase où l’on accepte d’activer les leviers en touchant très peu au mix produit pour permettre la fin de l’amortissement des investissements réalisés ces dernières années ; une phase dans laquelle on sait qu’il faudra toucher au mix produit et l’activation de leviers systémiques. La première phase n’est pas une opportunité pour repousser la deuxième, mais pour la préparer. C’est elle qui doit nous amener à atteindre nos objectifs environnementaux à 2050 ».