Agrostratégie

Fruits et légumes, des relocations possibles en France mais des obstacles à surmonter


Un rapport du CGAAER publié le 21 mars 2025 évalue les conditions d’une relocalisation « réussie » en France de productions (olivier, amande, agrumes) dans l’hypothèse d’une baisse de production des filières fruits et légumes en Espagne, au Maroc et en Italie. Reconnaissant que l’Hexagone dispose d’opportunités pour relocaliser certaines de ces productions, les auteurs pointent plusieurs conditions, dont la nécessité d’un renforcement du dialogue entre l’État et les collectivités territoriales.

Fruits et légumes, des relocations possibles en France mais des obstacles à surmonter
Fruits et légumes, des relocations possibles en France mais des obstacles à surmonter

Un rapport du CGAAER publié le 21 mars 2025, étudie les facteurs explicatifs que seraient les problèmes de ressources en eau et en main d’œuvre et les conditions d’une relocalisation réussie en France dans l’hypothèse d’une baisse de production des filières fruits et légumes en Espagne, au Maroc et en Italie.

« Certaines cultures, comme l’olivier, l’amande ou encore les agrumes, pourraient être relocalisées en France, notamment dans le sud du pays, à condition de viser un marché de niche à haute valeur ajoutée. Ces productions, adaptées aux conditions climatiques méditerranéennes, offriraient de nouvelles perspectives pour les agriculteurs français, mais il est évident que cela ne suffira pas à combler les besoins globaux de la France en fruits et légumes », pointent les auteurs.

Ces derniers estiment, en effet, que « les solutions mises en œuvre par le Maroc, l’Espagne et l’Italie montrent que ces pays resteront des acteurs majeurs sur le marché des fruits et légumes ».

Les recommandations du CGAAER

En filigrane de leur rapport, Bruno Godet et Patrick Falcone émettent les recommandations suivantes :

  • Afin d’anticiper les impacts du changement climatique dans les bassins de production français et chez nos concurrents étrangers, soutenir des projets de collecte et d’analyse de données satellitaires, ainsi que des systèmes de simulation et de modélisation.

« Afin que ces avancées se traduisent en gains réels pour le secteur des fruits et légumes, il est impératif de structurer les données et d’organiser la filière de manière proactive. Contrairement aux grandes cultures, où des missions spécifiques de gestion de données sont déjà en place, le maraîchage manque encore de projets coordonnés en matière de gestion de l’information, de modélisation des productions et de détection satellitaire. Soutenir des projets technologiques autour de la collecte et l’analyse de données satellitaires, ainsi que des systèmes de simulation, pourrait renforcer la résilience du secteur face aux crises climatiques, tout en maximisant les cycles de production. »

  • Renforcer très en amont le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales pour une meilleure harmonisation des outils d’intervention en faveur des investissements dans la filière fruits et légumes.

« Alors que les lois de décentralisation successives étaient censées clarifier et optimiser les interventions financières de chacun, on observe, au contraire, une juxtaposition d’interventions dans les mêmes domaines, avec une absence de mise en cohérence préalable. »

  • Optimiser l’efficience des financements de la recherche, notamment dans des domaines insuffisamment explorés (recherche génétique, compréhension des marchés, prospective ou attente des consommateurs) par une meilleure coordination entre l’État, les Régions, les start-up, les grands groupes, le CTIFL et les agriculteurs.

« Les productions fruitières et légumières couvrent moins de 1 % de la SAU mais elles concernent de très nombreuses espèces ou variétés. Elles peinent à mobiliser les moyens de la recherche à hauteur de leurs besoins. Si les moyens alloués pour l’adaptation des productions au changement climatique, à la réduction de l’usage de produits phytosanitaires ou aux économies d’eau sont importants, plusieurs domaines de la recherche resteraient en souffrance. Outre la recherche génétique précédemment évoquée, il convient de mentionner la recherche économique et prospective. »

  • Accroître la part de consommation de produits « Origine France » en renforçant la transparence de l’affichage sur l’origine et en augmentant la lutte contre la fraude.

« Des fruits et des légumes sont affichés comme étant produits dans l’Hexagone alors qu’ils proviennent d’Espagne ou du Maroc. Selon une enquête du magazine 60 millions de consommateurs, certains vendeurs peu scrupuleux n’hésitent pas à changer l’étiquette de leurs produits étrangers pour une étiquette »Origine France« lorsqu’ils n’arrivent pas à les vendre. Certains fruits et légumes font davantage l’objet de fraudes que d’autres, c’est notamment le cas lorsque les productions étrangères et françaises se chevauchent, c’est-à-dire qu’elles sont au même moment sur les étals. »

  • L’État doit initier et décliner des « Plans eau », analogues à celui présenté en 2024 en Occitanie, sur des territoires fragilisés par le changement climatique. Construites dans le consensus, ces démarches sont nécessaires pour les filières agricoles, au premier rang desquelles les filières fruits et légumes.

« Même s’il aurait pu être engagé avant que la crise hydrique atteigne son paroxysme, l’exemple du Plan eau, lancé en 2024 dans les Pyrénées-Orientales, mériterait d’être reproduit par anticipation dans les territoires déjà frappés par le changement climatique. L’ambition de ce plan est claire : faire des Pyrénées-Orientales un démonstrateur de l’adaptation au changement climatique. »

  • Inciter la profession à évaluer la performance des organisations collectives en matière de fruits et légumes chez ses principaux partenaires et concurrents : Espagne, Italie, Pays-Bas.

« Au sein même de la filière fruits et légumes, les acteurs ont une perception de l’efficience des structures qui peut être totalement opposée. Certains affirment avec autorité que “la filière fruits et légumes est la filière agricole la mieux organisée de toutes” même s’ils conviennent dans le même temps “de l’impossibilité d’avancer sur la question de partage de la valeur entre les maillons de la chaîne au sein de l’interprofession”. D’autres, connaisseurs avisés de la filière, sous couvert d’anonymat, évoquent “une situation catastrophique si on se compare aux organisations collectives de nos principaux concurrents en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, voire en Italie”. »

Concepts clés et définitions : #Changement climatique, #Produits phytosanitaires