Agrostratégie

Pois : l’effondrement des surfaces cultivées place la génétique au cœur des attentes de la filière


Passées en un peu plus de trois décennies de 700 000 à 120 000 hectares, les surfaces cultivées de pois en France continuent sa diminution rapide. De quoi inquiéter les semenciers et acteurs de la filière, qui comptent désormais sur l’augmentation du rendement des cultures et, en creux, sur de nouvelles variétés plus résistantes au dérèglement climatique, pour inverser la courbe.

Céline Gillet (Scara), François Cuvelier (Agri Obtentions) et Adrien Dupuy (FOP) - © News Tank
Céline Gillet (Scara), François Cuvelier (Agri Obtentions) et Adrien Dupuy (FOP) - © News Tank

« J’ai connu, au tout début des années 90, des surfaces de poids de protéagineux supérieures à 800 000 hectares. Je ne suis pas certain qu’il n’y en aura pas beaucoup plus que 100 000 hectares cette année. La férole s’en sort un petit peu mieux, certes, mais ce n’est pas suffisant pour rendre le tableau séduisant. Cet effondrement des surfaces compromet le financement des programmes de recherche pour des espèces dont le taux d’utilisation en semence certifiée est particulièrement faible », indique Thierry Momont, président de la section céréales à paille et protéagineux de Semae, le 6 février 2024, en ouverture de la matinée de rencontre organisée par l’interprofession du secteur des semences et celle des producteurs de blé, l’AGPB.

Une « dégringolade vertigineuse » des surfaces cultivées

700 000 hectares de pois récoltés en 1993, à peine 120 000 en 2024 : une « dégringolade vertigineuse » selon Adrien Dupuy, administrateur de la Fop (Fédération Française des Producteurs d’Oléagineux et de Protéagineux), pour qui les explications à cette chute sont nombreuses. « Dans les années 80-90, il y avait une aide aux fabricants d’aliments du bétail, cette aide a été arrêtée en 1995. Est arrivé le fameux champignon Aphanomyces, qui a compliqué la situation. Il y a eu aussi les prémisses du changement climatique, avec des sécheresses récurrentes, un bassin de production du pois qui s’est décalé dans des zones intermédiaires, avec une baisse de production et des potentiels de terres plus limités », avance-t-il.

Céline Gillet, directrice générale de la Scara, reconnaît la diminution drastique de la production de pois dans sa coopérative, située au cœur de la Champagne crayeuse : « Il y a un quart de siècle, les pois faisaient 15 % de notre assolement. Aujourd’hui, on a une filière niche, qui représente 500 hectares. On se fait mal ». Découlant du rendement en berne, la rentabilité de la culture du pois pose en effet la question de sa durabilité économique. « Les rendements de 2024, c’est une trentaine de quintaux pour le pois de printemps, et moins de 20 quintaux pour le pois d’hiver. Le pois vaut à peu près 300 euros, comment voulez-vous faire un profit très raisonnable ? Quand vous faites 30 tonnes à 300 euros, ça fait 900 euros l’hectare, vous couvrez les charges proportionnelles, mais vous ne couvrez pas les charges de structure, et vous perdez de l’argent », déroule Adrien Dupuy. À cela, s’ajoute le coût particulièrement élevé des semences certifiées, « autour de 200 euros l’hectare », selon le représentant de la Fop.

« Une course contre la maladie »

Dans cette situation pour le moins critique, la lumière viendra peut-être de la génétique, sur laquelle sont placées les espoirs les plus tangibles. Encore faut-il que la recherche soit adaptée aux conditions climatiques sans cesse changeantes. « La sélection a beaucoup travaillé ces dernières années à l'endurcissement aux froids plutôt secs qui arrivent durant l’hiver. Ces dernières années, nous avons des hivers avec du redoux et le poids continue son développement. Nous avons eu des froids tardifs, des petits froids qui font des lésions à niveau des feuilles, et une humidité permanente qui a vraiment joué sur la maladie. C’est une course contre la montre contre la maladie. S’il n’y a pas de condition favorable au développement du pois en sortie d’hiver, la maladie évolue plus vite », décrit François Cuvelier, directeur commercial d’Agri Obtentions.

Si ce dernier admet « ne pas être arrivé avec une solution assez rapide » pour répondre à l’épidémie de l’Aphanomyces, il pointe certaines failles dans l’intégration du pois dans les rotations de cultures : « Dans certaines zones, le pois avait ces problèmes parce qu’il est revenu trop souvent dans la rotation. Au minimum, il doit revenir tous les six ans dans une rotation », estime le représentant du semencier.