Agrotendances

Biostimulants : « Redonner de la certitude aux agriculteurs », Philippe Camus, Actura

Le | Nutrition & fertilisation

Cet article est référencé dans notre dossier : Biostimulants : prouver l'efficacité

Si l’intérêt des biostimulants n’est plus à démontrer pour les centrales, elles estiment qu’un approfondissement des recherches et une sélection sont indispensables en amont, pour encourager leur usage auprès des agriculteurs.

Début 2024, Sofiprotéol et La Ferme Digitale ont lancé un appel à projets afin de répondre à plusieu - © D.R.
Début 2024, Sofiprotéol et La Ferme Digitale ont lancé un appel à projets afin de répondre à plusieu - © D.R.

« Il y a la volonté, chez Actura, d’investiguer ce marché qui comporte de plus en plus de produits, en plus de présenter une responsabilité environnementale et sociétale importante. Toutefois, c’est un marché qui n’est pas encore véritablement structuré », déclare Philippe Camus, chef de marché Nutrition Végétale au sein du réseau national de mise en marché d’agrofournitures. Il évoque les forces et faiblesses des biostimulants, dont les ventes ne cessent de croître chez Actura : les biostimulants mis en marché par les 140 membres du réseau représentent aujourd’hui environ 45 M€ de chiffre d’affaires.

« Chaque semaine, les fournisseurs me proposent un à deux nouveaux biostimulants. C’est le travail en commun entre notre réseau d’expérimentation (Etamines), les experts techniques des entreprises du réseau et les données collectées a l’extérieures, quand elles sont disponibles, qui nous permettent de référencer les nouveaux produits et de construire une gamme autour de notre concept SDCE (Solutions de déplafonnement et/ou à contribution environnementale), qui répond à une problématique ou un besoin agronomique », indique le chef de marché à Référence Agro.

Parmi les freins identifiés par Philippe Camus : « l’absence de certitudes qui demeure sur les biostimulants qui font l’objet de beaucoup d’allégations et dont les résultats peuvent être aléatoires en fonction des conditions pédoclimatiques, au point de remettre en cause une partie de leur crédibilité. Notre rôle est de gommer ce doute persistant, de redonner de la certitude à nos clients, et de leur offrir une boîte à outils, un panel de décisions, qu’ils pourront tourner à leur avantage. Nous souhaitons pérenniser ce marché des biostimulants sans faire de fausse promesse. »

« Faire du tri dans l’offre » (Stéphane Wilhelm, Area)

Chez Area, les ventes des 300 biostimulants référencés sont passées, entre 2021 et 2023, de 7 à 10 M€. Une part minime, cependant, au regard des 290 M€ rapportés par les ventes de produits phytos en 2023. « Nous essayons de nous structurer sur ce dossier en traitant le référencement avec des commissions dédiées, comme nous pouvons le faire sur d’autres marchés, composées de groupes d’experts ou de référents auprès de nos coopératives afin d’avoir des retours d’expérience et porter une animation plus efficace », rapporte Stéphane Wilhelm, directeur général (DG) d’Area.

« La difficulté, c’est de faire du tri dans l’offre : ce n’est pas évident pour les coopératives de répliquer en essai la promesse portée par le produit pour la tester et la valider. Il est donc difficile d’avoir des convictions fortes sur des produits tellement l’offre est importante. Si nous suivions les promesses de tous les fournisseurs, nous devrions faire 200 quintaux en blé ! Nous n’en sommes pas là car il y a toujours des facteurs limitants qui apparaissent tout au long de la culture », estime le dirigeant.

Selon lui, « il y a un enjeu sociétal à baisser les usages de produits phytosanitaires : l’une des solutions pour y parvenir est l’appropriation combinatoire ».

« Un marché qui reste à prendre » (Jean-Baptiste Regnard, Agrihub)

Chez Agrihub, cette hausse s’élève à +15 % entre 2022 et 2023, couvrant désormais 420 000 ha. « C’est notable », déclare Jean-Baptiste Regnard, directeur général. « C’est un marché qui reste à prendre. Si l’on compare avec les surfaces couvertes par des produits phytosanitaires, cela reste assez faible. » Malgré la centaine de biostimulants référencés, ces derniers ne représentent que 2 % du CA.

L’afflux régulier de produits inédits ne présente pas que des avantages, selon Jean-Baptiste Regnard : « Nous avons besoin que nos fournisseurs connaissent beaucoup mieux leurs produits car bien souvent, nous faisons les premiers tests avec eux… Il nous faut des preuves au champ pour dire aux agriculteurs dans quelle situation le produit sera rentable et ne pas mettre en avant uniquement des moyennes de rendement, qui n’ont aucune valeur. Les agriculteurs cultivent dans une situation particulière, avec un contexte cultural particulier : ce n’est pas une moyenne qui leur indiquera ce qu’ils récolteront l’année suivante ». Pour le DG d’Agrihub, les fournisseurs se doivent d’aller « plus loin dans la connaissance et la compréhension du fonctionnement » des biostimulants, pour mieux promouvoir ces derniers auprès des agriculteurs.

Outre le besoin d’apporter des preuves d’efficacité aux agriculteurs, les centrales d’achat notent la nécessaire simplification des usages des biostimulants. « Il faut que les fournisseurs arrivent avec des préconisations qui soient simples. On a trop de produits proposés qui font trop de cultures, à divers stades d’application, pour trop d’effets bénéfiques différents. Il faut que les produits soient ciblés, que l’on ne cherche pas à répondre à tous les problèmes avec un produit identique, parce qu’on brouille les messages », déclare Jean-Baptiste Regnard. Et l’approche combinatoire, associant biostimulants et produits phytosanitaires, n’arrange pas le constat : « Qui dit méthode combinatoire dit facteurs plus nombreux, donc plus complexes, et une réalité agronomique plus difficile à percevoir, à comprendre et à répéter. » Pour autant, « c’est une voie d’avenir, nous en sommes convaincus », indique le dirigeant.

Un avenir auquel prendront part, selon Jean-Baptiste Regnard, des « modèles informatiques de traitement de données type intelligence artificielle pour être capable de combiner beaucoup plus d’informations ».