Prod. de semences : « des contrats plus équilibrés et adaptés aux réalités locales », P.Pagès, FNPSMS
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Face aux fluctuations économiques et climatiques, la Fédération nationale de la production des semences de maïs et de sorgho (FNPSMS) souhaite repenser la contractualisation dans la filière maïs. Pierre Pagès, son président, détaille à Référence agro une approche visant des contrats plus équilibrés, adaptés aux spécificités locales. Il revient également sur les résultats de la campagne 2024 et les défis de la filière.
Lors de l’assemblée générale de la FNPSMS qui s’est tenue le 20 novembre 2024 à Pau, vous avez mentionné une nouvelle dynamique en matière de contractualisation sur la production de semences. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Pierre Pagès : Effectivement, nous travaillons actuellement sur une nouvelle approche de la contractualisation dans la filière. Cela ne signifie pas que tout est déjà en place, mais des discussions ont commencé en juin 2024 pour répondre à une forte variabilité de la rémunération des producteurs, souvent liée aux fluctuations des cours des matières premières.
La filière maïs est très impactée par des facteurs externes comme les conflits internationaux, les coûts des matières premières, ou encore les aléas climatiques. Nous devons donc trouver des moyens de donner plus de visibilité et de stabilité à tous les acteurs, en particulier les agriculteurs.
L’objectif est d’aboutir à des contrats plus équilibrés et adaptés aux réalités locales. Ce n’est pas simple : chaque territoire a ses spécificités. Par exemple, ici, dans la région de Pau, la production est fortement liée au maïs grain. Ailleurs, comme dans le Maine-et-Loire, on trouve davantage de semences potagères. Ces différences influent sur les discussions, qui restent essentiellement locales, entre les organisations de producteurs et les établissements.
Nous savons aussi qu’il n’est pas toujours facile de mettre autour de la table des parties ayant des intérêts différents. Pourtant, c’est indispensable pour trouver des consensus qui garantissent une meilleure stabilité à la filière dans un environnement économique et climatique de plus en plus instable.
Vous avez évoqué la baisse des surfaces cultivées et les objectifs de production qui ont tout de même été atteints. Pouvez-vous expliquer cette apparente contradiction ?
Pierre Pagès : C’est un des paradoxes intéressants de notre filière. Cette année, nous avons observé une baisse de 25 % des surfaces cultivées, passant de 85 000 hectares en 2023 à 61 000 hectares en 2024. Malgré cela, nous avons atteint 102 % de nos objectifs de production cette année, contre 110 % en 2023.
Cette performance s’explique par la diversité des variétés cultivées. Chaque variété a un potentiel de rendement différent. Plutôt que de raisonner en surfaces cultivées, nous fixons des objectifs de production pour chaque variété. Une fois les récoltes terminées, nous mesurons si ces objectifs sont atteints.
Par exemple, si une variété a un objectif de 30 quintaux par hectare, nous regardons si cet objectif est rempli. Ainsi, même avec moins de surfaces, nous avons réussi à maintenir un niveau de production satisfaisant grâce à des rendements élevés dans plusieurs segments.
Quels sont les principaux défis auxquels la filière doit faire face aujourd’hui ?
Pierre Pagès : Ils sont nombreux, et je dirais qu’ils s’articulent autour de trois grands axes : le contexte international, les aléas climatiques, et les enjeux de compétitivité.
Sur le plan international, nous avons dû faire face à des bouleversements majeurs. La fermeture du marché russe, par exemple, a un impact significatif. La Russie était un débouché important pour des pays producteurs comme la Roumanie et la Hongrie. Sa fermeture crée un effet domino sur l’ensemble du marché européen.
En parallèle, les aléas climatiques pèsent lourdement sur la filière. En trois ans, nous avons connu des variations extrêmes : une sécheresse dramatique en 2022, et en 2024, des excès d’eau qui auraient pu compromettre les rendements. Malgré cela, la résilience de la filière a permis d’atteindre nos objectifs, ce qui est très positif.
Enfin, la compétitivité reste un enjeu central. Nous devons continuer à innover pour rester performants face à ces défis. C’est aussi pour cela que nous travaillons sur la contractualisation : offrir plus de stabilité économique aux producteurs est essentiel pour pérenniser la filière.
Quels enseignements tirez-vous des dernières années, et quelles perspectives voyez-vous pour la filière maïs ?
Pierre Pagès : Les dernières années ont été marquées par des défis sans précédent. Pourtant, elles ont aussi démontré la solidité de notre filière. Nous avons su nous adapter, que ce soit aux variations climatiques, aux fluctuations des marchés, ou encore aux tensions géopolitiques.
La priorité pour l’avenir est de construire une filière encore plus résiliente. Cela passe par une meilleure gestion des risques climatiques, comme nous l’avons fait avec la mise en place d’un contrat assurantiel couvrant les pertes de rendement sur trois ans. Cela passe aussi par une réflexion approfondie sur la contractualisation, pour mieux protéger les producteurs face aux aléas économiques.
Nous sommes conscients que ces changements ne se feront pas du jour au lendemain, mais les discussions avancent. Ce travail collectif, entre organisations de producteurs, établissements et territoires, est essentiel pour garantir un avenir durable à la filière maïs semence.