Production de semences : « Russie, un marché immense se referme », Olivier Paul, président de l’UFS
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Les surfaces de semences reculent pour de nombreuses cultures en 2024 sous l’effet d’un climat néfaste mais également de blocages commerciaux. La Russie était le premier pays d’exportation pour les semences françaises. Or, il se referme, avec des conséquences économiques importantes. Explications avec Olivier Paul, président de l’UFS et directeur de Lidea.
Pensez-vous que la Russie pourrait devenir complètement autosuffisante dans la production de semences agricoles ?
Olivier Paul : Vladimir Poutine a pour objectif d’atteindre une autosuffisance : il voulait faire passer la semence russe à 75 %. Avec la guerre, cela s’est accéléré. Aujourd’hui, le marché russe est plutôt fermé, et n’ouvre que par des quotas très limités, en fonction de leurs besoins. Par exemple, ils n’ont pas de betterave, donc il y a des quotas spécifiques pour la betterave. Pour les autres espèces, ils ont des résultats plus ou moins satisfaisants. La Russie devient de plus en plus autonome en maïs. Si on regarde les tendances, elle passe même d’un statut de grand importateur de semences à celui d’exportateur dans certains cas. Quand la Russie se ferme, cela représente un énorme marché perdu. C’était le premier pays d’exportation, un marché immense qui se referme, avec des conséquences économiques importantes. La baisse des hectares de production de semences de maïs en France est aussi liée au fait que, avant, il y avait des exportations de maïs vers la Russie, qui sont aujourd’hui bloquées.
Comment percevez-vous la résilience de l’agriculture ukrainienne face à la guerre ?
Olivier Paul : Sur l’Ukraine, je suis impressionné par la résilience du pays, même s’il a été affecté. Ils ont probablement perdu environ 2 millions d’hectares, notamment à cause des combats. Mais les cultures se sont déplacées vers des zones moins exposées, même si ce ne sont pas forcément les meilleures zones agricoles. Il reste tout de même une certaine dynamique agricole locale, l’Ukraine reste une grande puissance agricole. Leur principal enjeu était l’exportation. Aujourd’hui, les exportations continuent à se développer, notamment sur des commodités. En revanche, sur les importations, cela a beaucoup baissé, notamment pour le maïs. Nous produisons toujours en Ukraine, mais on répartit également nos productions au niveau européen. Cette année, avec la baisse des surfaces cultivées, nous avons davantage baissé nos productions en Ukraine qu’en France, par exemple.
Quelles sont les régions du monde offrant les meilleures opportunités pour compenser la perte des marchés russes et comment les entreprises peuvent-elles s’adapter pour répondre à ces nouveaux besoins ?
Olivier Paul : Pour pénétrer d’autres marchés, il faut disposer de la génétique adaptée. Par exemple, la génétique développée pour la Russie n’est pas forcément adaptée aux marchés de l’Amérique du Nord, de l’Amérique du Sud ou de l’Afrique. Cela nécessite des adaptations, et donc beaucoup de temps.
Nous pourrions penser que l’Afrique va continuer à se développer et qu’il y a des opportunités, mais encore une fois, ces adaptations prennent du temps. Il est donc difficile de dire dans quelle mesure tout cela peut changer la donne à court terme. De toute façon, ces dynamiques étaient déjà initiées avant la guerre, même si le conflit a accéléré certaines choses. Cependant, cela ne ramènera pas les marchés qui se sont fermés.
Pour trouver de nouveaux débouchés, il faudra du temps, et cela dépend aussi de la capacité des entreprises à continuer d’investir au même niveau. C’est pour cela que le crédit d’impôt recherche reste un élément majeur. Si ce dispositif venait à se réduire ou disparaître, cela poserait un véritable problème.
- Retrouvez l’interview d’Olivier Paul dans notre magazine en ligne dédié aux phytosanitaires et aux semences