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Agreste juin 2009 : arrêt sur les pratiques phytopharmaceutiques sur blé tendre


L’enquête culturale 2006 sur la protection du blé tendre vient d’être publiée par les services du ministère de l’Agriculture (bulletin Agreste 226 - Juin 2009). Elle était très attendue, puisque ses données vont permettre d’alimenter les calculs d’IFT (indice de fréquence de traitement), jusqu’alors fondé sur la précédente enquête sur les pratiques des agriculteurs, datant de 2001.

Cet indicateur fait partie des outils qui seront actionnés au niveau local pour contribuer à l’application du plan Ecophyto 2018. Deux constats sont communs aux fongicides et herbicides : les semis tardifs et les rotations longues permettent un moindre recours aux produits. Nouveauté dans la livraison 2009 : l’IFT est observé en fonction de la source du conseil.

Moins de passages, plus de mélanges : tel est le premier enseignement de l’enquête pratiques culturales sur blé tendre. Cette culture a reçu en 2006 (une année « dans la moyenne » et en tout cas comparable à 2001) en moyenne trois fongicides, deux herbicides, un régulateur de croissance et d’une manière plus marginale des insecticides. Toutes les semences étaient traitées. Le nombre de traitements continue de régresser : 6,8 en 2001 et 6,3 en 2006. Les différences régionales sont logiquement importantes et corrélées aux rendements, la ligne de partage si situant plutôt au nord de la Seine pour les meilleurs rendements qu’au nord de la Loire. Le Centre affiche ainsi des résultats plutôt moyens en 2006.

Catherine Deger


Légende carte : Il est utile de relier la pression de maladies céréales en 2006 à l’IFT fongicide moyen et au niveau de potentialités. Ce graphique est tiré du rapport Ecophyto R&D (« Vers des systèmes de culture économes en produits phytosanitaires : analyse comparative et conception d’un réseau de références ». Tome II grandes cultures. Etude multipartenariale pilotée par l’INRA sur commande du MEEDDAT et du MAP. Les auteurs de l’étude mettent en évidence « l’importance du facteur potentialité de rendement dans le niveau d’utilisation des traitements phytosanitaires : en 2006, le niveau d’utilisation des fongicides est davantage corrélé au potentiel de rendement qu’à la pression de maladies cette année-là. Sources des variables utilisées dans le graphique : Niveau de pression fongique fourni par expertise du service de protection des végétaux ; utilisation des fongicides d’après l’enquête SCEES 2006 ; potentiel de rendement d’après des données AGRESTE

Fongicides : de 1,6 à 3,8 produits appliqués selon les régions

Les fongicides constituent le poste principal sur blé tendre. Le nombre total de produits appliqués reste à peu près stable comparé aux enquêtes précédentes, mais il joue le grand écart entre le sud de la France, à 1,6 et le Nord, à 3,8. De 1,6 à 2 fongicides sont appliqués en Midi-Pyrénées, Aquitaine, Alsace, Auvergne et Rhône-Alpes. De 2 à 3 en Poitou-Charente, Pays de la Loire, Bretagne, Franche-Comté et Centre on passe de 3,1 à 3,8 en Bourgogne, Basse-Normandie, Ile-de-France, Haute-Normandie, Picardie, Nord-Pas de Calais et Champagne-Ardenne.

Le nombre moyen de passages s’échelonne de 2,4 en 2001 à 2,1 en 2006, pour respectivement 1,1 et 1,4 produit par passage. Les mélanges deviennent ainsi de plus en plus la règle, face à une pression parasitaire qui se complexifie. Les régions au Nord de la France, davantage concernées par les phénomènes de résistances, sont aussi celles qui pratiquent le plus les mélanges. Ceux-ci sont surtout appliqués à la floraison où 56 % de la sole reçoit deux fongicides ou plus, contre 40 % du stade levée à tallage et 46 % au stade épi un centimètre.

L’indice de fréquence de traitement, qui tient compte de la dose homologuée à l’hectare, baisse dans toutes les régions, reflétant la poursuite de la pratique de la réduction de dose. Il passe de 0,5 dans le Sud et en Alsace et Lorraine à 1,5 dans l’Ouest et le Centre pour atteindre 1,8 dans le Nord et en Basse-Normandie. L’impact du climat et du potentiel de rendement se conjuguent pour expliquer ces différentiels.

Semer tard pour maîtriser les maladies

L’enquête 2006 sur les pratiques culturales blé illustre clairement le lien entre semis tardif et pression parasitaire. Ainsi, l’IFT moyen en fongicide passe de 1,6 dose homologuée pour les semis pratiqués avant le 15 octobre à 1,4 après. Les régions où l’hiver est clément échappent en partie à cette règle. La date de semis dépend largement du précédent cultural. Les rotations courtes (trois blés sur cinq années), permettent des semis précoces et sont en même temps favorables à la pression parasitaire. Ces rotations représentent 75 % de la sole dans les régions Nord et Ouest, avec un IFT supérieur respectivement de 18 et 8 % sur les parcelles concernées.

Herbicides : semis précoces et rotations courtes favorisent les adventices

A 1 % près (les surfaces dédiées à l’agriculture biologique), tous les blés font l’objet d’un traitement herbicide. Ils reçoivent en moyenne 1,6 passage et 2,3 désherbants. Un chiffre stable comparé à l’enquête sur les pratiques culturales de 2001. Les anti-graminées concernent 90 % des parcelles et les anti-dicots 70 % (en post-levée). Deux constats identiques à ceux observés sur les fongicides sont relevés : les rotations courtes, qui intègrent au moins trois céréales sur cinq ans, sont favorables au développement des adventices et des dates de semis tardives limitent le recours aux herbicides. L’IFT est de 1,2 dose homologuée sur les rotations longues, contre 1,3 pour les courtes. Il passe à 1,1 dose pour les semis effectués après le 11 novembre. Agreste n’en tire toutefois pas de conclusion hâtive, les rendements chutant sérieusement après cette date. L’augmentation de la densité de semis est souvent la règle en semis tardif. 5 % de la sole sont concernés par des semis haute densité, qui se traduisent aussi par une moindre utilisation d’herbicide (IFT de 1,1), du fait notamment de la difficulté des adventices à se développer. Mais peuvent générer une plus forte pression maladie.

60 % de la sole reçoit un régulateur de croissance, 25 % un insecticide

L’utilisation des régulateurs de croissance se concentre sur les terres les plus productives. Ce sont ainsi 90 % des hectares semés en blé tendre en Ile-de-France et Picardie qui sont concernés, contre 60 % au niveau national. L’Ouest comme le sud de la Loire n’en utilise pratiquement pas. Quant aux insecticides, leur usage est encore plus limité : 25 % de la sole (le facteur climatique est déterminant). Les systèmes les plus intensifs, dans le Nord, sont toutefois concernés à 40 %. 22 % des semences sont traitées avec un insecticide. Enfin, les anti-limaces concernaient cette année là 25 % des hectares enquêtés en Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté et Midi-Pyrénées (non labour fréquent) et un peu moins dans les autres régions.

L’impact du conseil distributeur sur l’usage des phytosanitaires

La prise de décision des agriculteurs est observée dans l’enquête. Avant de décider de traiter avec un fongicide, 80 % des agriculteurs observent leurs parcelles. Ils recourent aux conseils des distributeurs pour 70 % de leur sole. Les conseils de la protection des végétaux (en phase de mutation avec les bulletins de santé du végétal) sont pris en compte dans 33 % des cas et ceux d’Arvalis dans 36 % des cas. Difficile, toutefois, de savoir ce qui va être déterminant dans la prise de décision. Sont ensuite mis en parallèle la source du conseil et l’IFT (nombre de doses fongicides homologuées). Lorsque les seuls avertissements agricoles sont pris en compte, celui-ci est de 1,4, il passe à 1,5 lorsque l’agriculteur observe lui-même sa parcelle et à 1,6 lorsque la source du conseil est le distributeur (ou le distributeur plus l’observation directe). Des données qu’il convient cependant de commenter avec prudence de l’avis même des auteurs de l’étude. L’IFT est mis en avant pour la première fois et ne peut donc être relativisé avec l’enquête 2001. Il existe des variations régionales notables. Enfin, le conseiller distribution va répondre à la demande de l’agriculteur en visant une prise de risque minimal dans le résultat de la conduite.

Sur herbicides, l’observation de la parcelle ou le conseil du distributeur interviennent pour 70 % dans la décision de traiter et pour 30 % sur l’avis d’un organisme technique. Le conseil du distributeur est sans impact sur les doses de produits utilisées.

Toutes ces données valident les observations terrain. Elles serviront également de point de départ d’une évaluation précise de la réduction de l’usage des produits phytosanitaires dans les années à venir.

Repères

L’IFT comptabilise le nombre de doses homologuées appliquées par hectare pendant une campagne : par exemple, un litre/ha appliqué pour un produit homologué à 0,5 l/ha correspond à un IFT de 2. Le résultat est pondéré par la surface réellement traitée.

L’enquête sur les pratiques culturales est réalisée jusqu’à présent tous les cinq ans, par les services statistiques du ministère de l’Agriculture dans le cadre d’une convention avec celui de l’Ecologie. Elle concerne toutes les grandes cultures (blé tendre, blé dur, orge, maïs grain et fourrage, tournesol, colza, pois, betterave, pomme de terre, prairies temporaires ou permanentes intensives, vigne depuis 2006). Agreste devrait publier sur la vigne et le colza d’ici à la fin de l’année.

Ces enquêtes devraient être assouplies pour rendre compte plus fréquemment de l’évolution des pratiques et étendues aux secteurs maraîchage et arbo.

C’est, en tout cas, un des points d’amélioration figurant dans Ecophyto 2018.