Biostimulants : « Un doublement du marché est possible à l’horizon 2030 » (Guillaume Lefranc, Acadian)
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Cet article est référencé dans notre dossier : Biostimulants : prouver l'efficacité
Guillaume Lefranc, directeur filières monde d’Acadian Plant Health, explique le positionnement et la stratégie du groupe canadien en matière de biostimulants sur le continent européen dans le bassin méditerranéen et revient sur l’intérêt de ces biosolutions.
Pouvez-vous présenter Acadian Plant Health ?
Acadian est un groupe familial canadien créé par Louis Deveau en 1981, il y a donc plus de 40 ans. Aujourd’hui, notre PDG est son fils, Jean-Paul Deveau, et Louis Deveau est encore actif au siège, sur la côte Est du Canada, en Nouvelle-Écosse. Acadian est dédié à la valorisation des produits à base d’algues, dont l’activité la plus importante est celle des biostimulants. Le groupe emploie 420 salariés, ce qui fait de nous un grand dans le domaine. La société a construit son leadership sur le secteur des biostimulants à base d’algues, tout d’abord côté Amériques. Aujourd’hui, Acadian Plant Health dispose d’une présence globale et classiquement organisée avec des équipes marketing et commerciales en Amérique du Nord, Amérique centrale, Amérique latine et EMEA, à laquelle la France est intégrée. Nous avons également une zone APAC où nous sommes notamment présents en Inde et en Chine.
La stratégie du groupe est de nouer des partenariats régionaux ou nationaux et même globaux lorsque c’est possible, comme celui que nous venons d’annoncer avec le groupe BASF. Mon arrivée il y a trois ans au sein du groupe correspond à une création de poste et s’inscrit dans cette démarche.
À quelle date le groupe s’est-il implanté en France ?
La France est bien évidemment un pays stratégique pour Acadian. Nous nous sommes ainsi structurés au niveau Europe avec une équipe EMEA mise en place depuis 4-5 ans et avec un vice-président en charge de cette zone, qui est Enrico Boccaletti, basé en Italie.
En matière d’innovation, nous nous sommes internationalisés et avons développé notre hub de recherche canadien. Depuis 2021, nous avons également un laboratoire en Angleterre à Malvern. Ce laboratoire travaille en particulier sur la mise au point de nouvelles formulations. Il est important que nous gardions notre leadership, en innovant sur un marché des biostimulants clairement en croissance.
Que représente le marché des biostimulants dans le monde ?
Il représente environ 3,5 Md€ au niveau mondial. Les études de marché indépendantes estiment qu’un doublement de ce marché est possible à l’horizon 2030. Le marché est encore fragmenté et composé de différents types de solutions. Les algues marines représentent un tiers de ce marché et ce n’est pas un hasard pour ces solutions qui ont prouvé leur pertinence ces dernières décennies. Nous estimons que nous avons quatre ou cinq concurrents directs au niveau mondial par rapport à ce segment basé sur l’algue Ascophyllum nodosum.
Qu’implique le travail de cette algue en matière d’approvisionnement et de recherche et innovation ?
L’Ascophyllum ne se trouve que sur les côtes nord-atlantiques. Cette algue brune pousse dans un écosystème pour le moins particulier ; avec les marées, elle est deux fois immergée et deux fois émergée sur une journée complète. Vous voyez tout ce que cela peut représenter comme conditions stressantes pour un végétal. Cette Ascophyllum a donc développé une composition unique. Le leadership d’Acadian se traduit aussi par un nombre important de publications scientifiques sur cette algue, démontrant ses effets et sa composition unique.
Pour préciser brièvement cette composition, elles sont riches en oligosaccharides, contiennent des bétaïnes, du mannitol, des acides alginiques et des fucoïdanes. En revanche, nous ne mettons pas du tout en avant la partie hormone végétale qui n’est pas pertinente. Certaines de ces molécules citées ont des effets antioxydants. Quand une plante est sous stress, il y a souvent une réaction dite de « burst oxydatif », ce qui impacte les cellules. Nos biostimulants amènent donc des effets anti-stress bien documentés maintenant.
Après avoir identifié l’intérêt de cette algue, il s’agit de développer le process de transformation le plus pertinent et c’est d’ailleurs ce qui nous différencie depuis longtemps. Nous utilisons un process d’extraction alcaline à basse pression qui permet la meilleure mise en valeur de cette composition. Notre procédé industriel est un des piliers de notre expertise bien connue de nos partenaires commerciaux.
Que représente votre approvisionnement d’algues en volume à l’année ? Existe-t-il des tensions sur les récoltes ?
Nous ne divulguons pas de chiffres, mais selon nos informations, nous sommes là aussi leader ce qui nous oblige surtout à la plus grande responsabilité vis-à-vis de cette ressource naturelle. L’entreprise a beaucoup défendu l’effet des extraits d’algues « pure » afin de bien mettre en avant l’efficacité de nos composés issus de l’Ascophyllum et comme déjà précisé, transformée avec la plus grande attention. Chez Acadien, l’Ascophyllum est notre ressource la plus précieuse.
Nous valorisons de plus en plus la durabilité de nos produits auprès de nos partenaires et donc il va sans dire que nous avons en amont une volonté sans faille de démontrer que nous récoltons, avec nos fournisseurs, avec un impact environnemental le plus faible possible. Nous avons un groupe de spécialistes des algues, des scientifiques, pour sécuriser que notre récolte est régénérative, mais aussi que nous n’avons pas d’effet négatif sur l’écosystème où pousse cet Ascophyllum. À noter que nous travaillons cette algue fraîche, donc les usines doivent être assez proches des zones de récoltes.
Notre ressource se porte très bien sur notre zone de récolte privilégiée du Canada. Il faut en revanche toujours rester vigilant et notre équipe de spécialistes l’est, je peux vous l’assurer.
Quels sont vos axes d’innovation ?
L’innovation est d’aller gagner en expérience et en qualité de recommandations sur nos produits historiques. Nous voulons par exemple aller vers de nouvelles cultures, de nouvelles filières avec nos produits déjà bien connus. Et puis nous avons, je dirais malheureusement, l’augmentation des stress abiotiques, qui impactent plus que jamais pratiquement toutes les cultures européennes.
Nous nous attachons donc à amener des solutions optimisées pour mieux faire face, que ce soit au stress hydrique, thermique ou autre. Nos produits ont un potentiel significatif à réduire les impacts. Pour prendre un autre exemple, en Espagne, nous faisons des essais dans des conditions salines, avec un sol qui met au défi la croissance de cultures. D’ailleurs nous avons aussi des éléments scientifiques démontrant que certaines de nos solutions peuvent contribuer à améliorer la vie du sol.
Sur quelles cultures, les biostimulants fonctionnent-ils le mieux ?
Très bonne question et en fait toujours une bonne question, pour les biostimulants comme pour d’autres produits d’agrofourniture. Si nous regardons dans le rétroviseur, ce que nous pouvons dire, c’est qu’il y a eu une perméabilité supérieure à ces produits sur les cultures spécialisées. Par exemple, l’Italie et l’Espagne étaient et sont des grands pays utilisateurs de biostimulants.
Aujourd’hui, les utilisations sont de plus en plus équilibrées en Europe, dont la France, entre les grandes cultures et les cultures spécialisées. Il y a des biostimulants qui fonctionnent sur pratiquement toutes les cultures mais surtout pour différents effets. En fait, le sujet est aussi, et peut-être surtout, de démontrer à quelle problématique spécifique un biostimulant amène son efficacité.
Chez Acadian, nous nous développons sur les grandes cultures comme sur les cultures spécialisées et cela veut dire de prouver que « cela fonctionne » sur ces espèces très diverses, et encore une fois, pour un objectif le plus précis possible.
Comment voyez-vous évoluer le marché français des biostimulants dans les prochaines années ?
Quand on voit des sociétés leaders de l’agrofourniture s’intéresser à ces marchés, mais aussi la distribution agricole française qui se structure et s’organise pour mieux amener ces solutions vers les agriculteurs, je crois que ce sont des signes forts d’une dynamique. Cette dynamique se constate déjà dans les chiffres avec ces dernières années des taux de croissance d’utilisation entre 12 et 14 % au niveau européen, et je crois que la France est sur ce même niveau. Cette croissance doit rester dans les prochaines années là aussi sur des croissances à deux chiffres.
A noter que l’Europe, représente environ un tiers des utilisations mondiales de biostimulants.
La croissance vient des produits historiques des biostimulants à base d’algues, par exemple, l’Ascophyllum représente pas loin de 50 % du marché des biostimulants à base d’algue. Et ce marché va forcément évoluer. Le défi est quand même l’augmentation de l’adoption sur les grandes cultures. Certes, il y a encore beaucoup de choses à faire sur les cultures spécialisées, mais la volatilité climatique, comme j’aime bien l’appeler, ne va pas s’arrêter, et pour de nombreuses cultures.
En matière d’innovation et d’agriculture régénératrice, nous travaillons beaucoup sur les bénéfices que nos produits peuvent procurer aux sols. Nous avons déjà démontré une stimulation de la vie microbienne en général quand on applique nos produits en foliaire ou au sol. C’est d’ailleurs pour cela que nous nous positionnons comme contributeur à l’agriculture régénératrice.