Avant le vote de la loi sur la biodiversité, les parlementaires s’intéressent aux néonicotinoïdes
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Alors que le projet de loi sur la biodiversité, et son amendement sur l’interdiction des néonicotinoïdes, seront examinés par les sénateurs le 19 janvier 2016, certains parlementaires cherchent des éclairages sur le sujet. Deux évènements ont été organisés, dans les locaux des deux assemblées, les 12 et 14 janvier.
Une séance de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale était ainsi dédiée à cette thématique, le 12 janvier à Paris. Une trentaine de députés ont auditionné Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS et co-auteur de l’étude « Néonicotinoïdes et abeilles », parue le 19 novembre 2015.
Un intérêt croissant des députés pour la thématique néonicotinoïdes
Une audience conséquente, pour une thématique qui n’aurait « rassemblé qu’une poignée de parlementaires il y a quelques années », comme le remarquait Geneviève Gaillard, députée PS. Le chercheur a pu exprimer son opinion : « L’effet de cette famille de molécules est clairement avéré et établi sur la santé des abeilles. » Si le député LR Jean-Marie Sermier a défendu l’importance de la chimie, « grande avancée pour le bien être de l’humanité » et répondu à Vincent Bretagnolle qu’il existait des travaux de recherche aux conclusions variées, la plupart des participants ont manifesté leur défiance vis-à-vis des néonicotinoïdes, confortée par l’avis du scientifique.
L’évaluation, au centre des débats
Deux jours plus tard, le sénateur EELV Joël Labbé organisait un débat « Néonicotinoïdes, stop ou encore ? », dans les locaux du Sénat. Eugénia Pommaret, directrice de l’UIPP a pu rappeler la complexité et l’exigence des dossiers d’homologation, à 40 % consacrés aux aspects environnementaux. Réponse de Jean Sabench, responsable de la commission pesticides de la Confédération Paysanne : ces évaluations administratives ne sont pas exhaustives en termes scientifiques. Même son de cloche chez Claudine Joly, chargée des pesticides chez FNE : « les effets sublétaux, comme la désorientation des abeilles, ou encore les effets cocktails, ne sont pas pris en compte. » De son côté, Eric Thirouin, président de la Commission environnement de la FNSEA, a affirmé être en faveur d’une évolution des pratiques agricoles, mais « pas dans la précipitation, sans solution de repli et au seul niveau français », sous peine d’handicaper gravement la compétitivité des agriculteurs.
« La science a assez parlé, place à la politique »
Présent dans l’assistance, Jean-Marc Bonmatin, chargé de recherches au CNRS, a enfin affirmé que « la science avait assez parlé. » « 1400 publications ont été dédiées aux néonicotinoïdes en cinq ans, ce sont pratiquement les molécules les plus étudiées ! La recherche doit laisser la main aux décideurs politiques. » Le vote de Joël Labbé, à l’issue des débats, semble acquis : « J’ai voulu ce débat pour avoir un vrai échange d’idées, à l’abri des lobbies économiques que peuvent subir les parlementaires, avant de voter. » Les arguments en faveur des néonicotinoïdes ne l’ayant « pas convaincu » ni de leur innocuité, ni même de leurs atouts pour les rendements, le sénateur EELV défendra l’amendement interdisant ces molécules à partir de septembre 2016. L’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, a publié le 12 janvier un avis recommandant de renforcer les restrictions d’emploi des produits phytosanitaires contenant trois molécules de la famille des néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxam). Et ce, tant que des doutes persistent sur les risques pour les abeilles.