Coexistence OGM et non OGM : le Haut conseil des biotechnologies rend sa copie
Le | Agrofournisseurs
Privilégier, notamment en maïs, une concertation entre les parties prenantes pour optimiser l’organisation territoriale des productions OGM et non OGM plutôt qu’imposer une distance précise ; suivre les effets techniques et socio-économiques de cette coexistence ; assurer le maintien d’une offre diversifiée de variétés OGM et non OGM ; lever l’ambiguïté relative au seuil de présence fortuite à respecter dans les productions voisines et celle concernant la répartition des coûts engendrés entre les différentes filières : telles sont les principales conclusions du Haut conseil des biotechnologies (HCB), qui a rendu au gouvernement le 17 janvier son avis relatif aux conditions de coexistence entre les cultures OGM et non OGM. Ce document « clôt le travail mené depuis deux ans sur la loi OGM, précise Jean-François Dhainaut, président du HCB. Il va permettre la parution d’un ou plusieurs arrêtés sur la coexistence qui rendront de ce fait opérationnelle la loi OGM. » La copie rendue au gouvernement comprend un avis du Comité scientifique (CS), suite à la saisine du ministère en charge de l’Agriculture, et une recommandation du Comité économique, éthique et social (CEES), issue d’une autosaisine, sur les questions économiques, sociales, juridiques et éthiques soulevées par la coexistence. Concertations : un des grands enjeux de la coexistence « Nous n’avons pas souhaité imposer des distances uniques applicables à l’ensemble du territoire car selon les cas, elles peuvent varier et être minimisées », explique Jean-Christophe Pagès, président du CS. « A l’image de ce qui se fait au Portugal, des accords peuvent être signés entre agriculteurs, apiculteurs, représentants des filières, organismes collecteurs et stockeurs, des arrangements concrets à des coûts réduits, complète Christine Noiville, présidente du CEES. Et si aucun accord n’est trouvé, des distances réglementaires sont alors imposées. » Reste qu’une organisation collective, sur le modèle adopté pour les productions de semences, par exemple, est à mettre en place sur chaque territoire. Un chantier à mener, « qui représente l’un des grands enjeux de la coexistence ». Respect du seuil de 0,1 % : révision nécessaire des mesures actuelles Selon le HCB, le respect du seuil de 0,9 % ne nécessiterait pas de modifier les mesures techniques proposées et les conditions de production actuelles. Ce qui ne serait pas le cas pour le seuil de 0,1 %, qui pourrait conduire à la révision des normes et des conditions actuelles de production de semences et de plants pour garantir la pureté des semences de base. Des réactions nombreuses et diverses La copie du HCB, fortement attendue, n’a bien sûr pas manqué de faire réagir. Ainsi, l'AFBV, l’Association française des biotechnologies végétales, qui partage les principales conclusions du HCB, insiste sur le fait que la coexistence est impraticable si le seuil de 0,1 % de présence fortuite d’OGM devenait la nouvelle norme pour définir les plantes non OGM, alors qu’elle ne poserait pas de difficultés particulières d’application au seuil de 0,9 %, taux politique décidé à Bruxelles. L’association demande donc au gouvernement d’abandonner le seuil du non OGM défini à 0,1 %, sans quoi la culture des plantes OGM serait impossible. « Mais si pour répondre à la demande des 3 % d’agriculteurs bio le gouvernement doit priver 97 % des agriculteurs de la liberté de choisir des innovations technologiques qui leur sont nécessaires pour conserver leur compétitivité sur les marchés mondiaux, il devra assumer toutes les responsabilités des conséquences économiques de ce choix. » Une coexistence possible avec un seuil de 0,9 % : un point également mis en avant par IBV, Initiatives biotechnologies végétales, qui fédère l’interprofession semencière et les organisations professionnelles impliquées dans les biotechnologies, et qui profite de l’occasion pour dénoncer les conditions défavorables à l’innovation agronomique en France et en Europe. « Depuis plus de 15 ans, l’Europe, et en particulier la France, tergiversent, hésitent, pour au bout du compte ne prendre aucune décision concrète sur les cultures. Le résultat de ce manque de courage politique entraîne des conséquences graves pour notre agriculture », souligne l’association, s’appuyant sur l’exemple de BASF qui vient d’annoncer la délocalisation de sa recherche hors de l’UE. De leur côté, l’Unaf (Union nationale de l’apiculture française), la Confédération paysanne, la Fnab (Fédération nationale de l’agriculture biologique) et des associations environnementales comme Greenpeace et FNE (France nature environnement) dénoncent une proposition de coexistence « irréalisable » : « Cet avis du HCB passe à côté de nombreux problèmes existant sur le terrain et ne fournit pas de réponses aux questions préalables à la réalisation d’une coexistence durable. » Et de dénoncer l’occultation de la problématique de l’apiculture, « alors que depuis une décision de la Cour de justice de l’Union européenne de septembre dernier, le moindre grain de pollen issu de maïs MON810 que l’on retrouverait dans une production apicole conduirait à en empêcher sa commercialisation ». Sans compter que pour ces associations, « une semence re-contaminée chaque année à un taux de 0,1 % dépassera très vite le seuil de 0,9 % déclenchant l’obligation d’étiquetage OGM ». Elles demandent au gouvernement des études scientifiques « permettant de confirmer ou d’infirmer les « doutes » persistants sur l’impact sanitaire, environnemental et économique des OGM avant d’envisager la moindre autorisation de culture ».