Référence agro

Délai de paiement à 60 jours : la profession, sur le point de décrocher une dérogation

Le | Agrofournisseurs

Depuis le 1er janvier 2009, conformément à la LME (loi de modernisation de l’économie) du 4 août 2008, les délais de paiement ne peuvent plus dépasser 60 jours. « Une obligation qui va à l’encontre des pratiques habituelles du monde agricole où les paiements à 120, 150, 180 jours, voire au-delà sont monnaies courantes, explique Christophe Armbruster, du négoce Armbruster Frères dans le Haut-Rhin. Les délais « légaux », à 60 jours, atteindraient à peine 30 % de toutes les transactions. Les imposer dès aujourd’hui conduiraient à de graves problèmes de trésorerie pour bon nombre d’exploitations agricoles, déjà malmenées par la conjoncture actuelle ». Voilà pourquoi, dès le mois d’octobre, la FNA, Coop de France, la FNSEA et les JA ont pris les choses en main. Ils viennent d’obtenir un accord dérogatoire de la part du gouvernement pour retarder au 1er janvier 2012 l’application de cette loi pour la vente d’agrofournitures au sens large. La DGCCRF doit encore donner son accord pour que cette dérogation soit effective. A.G.

Photo : Christophe Armbruster, du négoce Armbruster Frères dans le Haut-Rhin

Questions à Christophe Armbruster, du négoce Armbruster Frères dans le Haut-Rhin (68)

Que dit la LME du 4 août 2008 ?

La loi de modernisation de l’économie, la LME, stipule que désormais, le délai de règlement contractuel ne peut plus dépasser 60 jours nets, ou 45 jours fin de mois, à compter de la date d’émission de la facture. Or, le monde agricole est très touché par cette logique là. Un exemple, chez nous, dans notre négoce, 30 % des agriculteurs payent à 30/60 jours, 30 % à 120/150 jours, 30 % à 180/210 jours et 10 % à des échéances encore plus tardives. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, 70 % de ces paiements seraient illégaux. Sans oublier que la loi renforce également les pénalités pour les paiements de retard.

Pourquoi avoir souhaité monter un dossier auprès de la législation ?

Tout simplement parce que la survie financière de bon nombre d’exploitations agricoles est en jeu. Avec la baisse du cours des céréales, l’augmentation du prix des intrants (estimée chez nous à près de 250 €/ha), des banques de plus en plus frileuses pour contracter des prêts… les agriculteurs n’ont plus beaucoup de solutions. Si en plus, s’ajoute à cela un raccourcissement du délai de paiement, la situation risque de devenir très critique. Voilà pourquoi la FNA, associée à Coop de France, à la FDSEA et aux JA, a souhaité réagir. Pour que notre revendication soit prise en compte, il fallait que ce soit une démarche de filière.

Où en est votre requête ?

Les choses ont bien avancé ces derniers jours. Le but était d’éviter une réduction brutale des délais de paiement. Nous sommes en passe d’avoir réussi car nous avons obtenu un accord dérogatoire jusqu’en 2012. Mais cet accord n’est pas encore définitif : la DGCCRF doit encore donner son aval.

Concrètement, quelles sont les échéances pour les 3 ans à venir ?

Notre demande concernait les ventes d’agrofournitures au sens large : la législation a souhaité les séparer en deux classes. Les agrofournitures dédiées aux productions végétales d’une part (engrais, plants, semences, bulbes, phytosanitaires, oligoéléments, vigne…) et ceux pour les productions animales d’autre part (alimentation animale, notions de services, produits d’hygiène…).

Pour les productions végétales, le calendrier est le suivant :

En 2009 : dérogation du délai de paiement pouvant aller jusqu’à 210 jours

En 2010 : réduction de ce délai à 150 jours

En 2011 : réduction de ce délai à 90 jours

A compter du 1er janvier 2012 : application de la loi, à savoir, délai de paiement fixé à 60 jours.

Pour les productions animales, le calendrier diffère quelque peu :

En 2009 : dérogation du délai de paiement pouvant aller jusqu’à 120 jours

En 2010 : réduction de ce délai à 100 jours

En 2011 : réduction de ce délai à 80 jours

A compter du 1er janvier 2012 : application de la loi, à savoir, délai de paiement fixé à 60 jours.

Etes-vous satisfait de ce résultat ?

Oui, à court terme car cela laisse le temps aux agriculteurs de se retourner mais je pense que dans 3 ans, la situation du monde agricole aura peu évoluer. J’ose espérer que ce temps d’adaptation au nouveau rythme de paiement sera quand même suffisant.

Cette dérogation vous concerne-t-elle également, vous client des sociétés de l’agrofourniture ?

Malheureusement non. Il aurait fallu que les sociétés phytos, semencières et des engrais soient signataires de l’accord. Seuls la FNA, Coop de France, la FDSEA et les JA l’ont signé. Le temps de réaction étant très court (les dossiers devant être déposés avant le 28 février), nous avons privilégié nos partenaires, les agriculteurs. Car si les agriculteurs vont mal, toute la filière ira mal. Il est important que chaque maillon de la filière se porte bien. Bien sûr, je pense que pour certains de mes collègues, négoce ou coopérative, la situation risque de se tendre dans les mois à venir. Pour tous, il y aura à mon sens, des pertes de marges inévitables.