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En semences, l’appro de printemps met les nerfs à vif

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Entre une production de semences en maïs et tournesol en recul en 2019 et une hausse programmée des emblavements de ces cultures pour le printemps prochain, les services appro des distributeurs sont sous tension. Si pour certaines espèces, comme le tournesol oléique ou le sorgho, la messe est dite, pour le maïs, couvrir les besoins de tous relève d’une vraie épreuve sportive, d’endurance.

Notre enquête, menée en octobre 2019, avait mis le doigt sur des tensions possibles à venir sur le marché du maïs. Les prévisions sont devenues des réalités avec lesquelles les responsables semences des négoces, coopératives et unions d’appro jonglent depuis plusieurs semaines déjà. « Un exercice très sportif  », confirme Denis Georges, responsable du marché semences pour SEVEAL.

Les semenciers arbitrent les volumes disponibles

En cause, une conjonction de plusieurs phénomènes. « Le recul de la production de semences de tournesol et de maïs est dû à un été sec et caniculaire, qui a impacté non seulement la quantité mais aussi la qualité des lots produits, résume Fany Bochereau, responsable achat semences chez Actura. La culture la plus touchée est sans conteste le tournesol oléique. Pour ces variétés, le disponible est depuis longtemps épuisé. Pour les autres cultures, rien n’est joué mais cela reste compliqué pour certaines variétés ou précocités. Malgré une politique d’engagement fort, et précoce, auprès de nos partenaires semenciers, nous sommes soumis à des arbitrages de volumes. »

Un effet de « sur-stockage »

Le manque de visibilité sur les hectares potentiellement emblavables au printemps compliquent la donne. « Entre les surfaces de céréales d’automne non semées, celles qui ont mauvaise mine et les colzas dont l’implantation a été compliquée, les producteurs ne savent pas encore précisément quels seront leurs besoins, commente Grégory Mancion, responsable marketing chez Semences de France. Les distributeurs tentent d’anticiper au mieux, en faisant des réserves. Dans ce contexte de demande plus importante, il y a un effet naturel de sur-stockage. Pour le maïs, je pense que tout le monde sera, au final, couvert mais peut-être pas avec la variété attendue. Cela va ouvrir des portes à de nouvelles références ! ».

Tenir compte des TS appliqués

Pour Karine Gharib, responsable achat semences chez AGRIHUB, « en maïs, la fin de campagne va être très compliquée sur le marché des ultra-précoces, là où la demande a été très forte. Le couple variété-protection de semences adéquat n’est pas toujours disponible : les carnets de commande évoluent sans cesse pour coller au mieux aux volumes restants. Nous avons rarement subi une campagne d’appro aussi compliquée et mouvementée. »

Les espèces « méthanisables » font bouger les lignes

Outre le maïs et l’orge de printemps, les agriculteurs se tournent vers le tournesol pour combler les hectares laissés libres par les cultures d’automne. « Dans notre zone, les surfaces de tournesol vont plus que doubler pour atteindre près de 12 000 ha », confie Denis Georges. « En oléique, tous les besoins n’ont pas été couverts, confirme Karine Gharib, responsable achat semences chez Agrihub. En linoléique, même si quelques ruptures sont à prévoir, le marché s’annonce moins tendu. L’attractivité de certaines espèces pour la méthanisation est également à prendre en compte car cette activité est en fort développement et absorbe de nombreuses surfaces, de maïs mais aussi de sorgho », souligne la responsable.

Rupture de stock pour le sorgho

Le sorgho a, lui aussi, vu ses stocks fondre à vue d’œil. « À ce jour, nous avons vendu trois fois plus de semences de sorgho que l’an dernier à la même période, explique Laure Pitrois, responsable marketing chez SEMENCES DE PROVENCE. Nous avons réalisé la quasi-totalité de nos ventes sur la morte saison, alors qu’habituellement, il nous reste des stocks jusqu’aux semis. En sorgho grain, le bassin historique du Sud-Ouest a commandé davantage, tout comme le Centre-Ouest, bien que ce secteur soit plus jeune dans la production de sorgho. Mais la très forte hausse provient du quart Nord-Est, en sorgho fourrager. »
Plusieurs opérateurs s’interrogent désormais sur l’impact qu’aura cette campagne d’appro en semences de base sur la mise en production à venir ?