Enquête UIPP : les politiques publiques sources de rupture en 2025
Le | Agrofournisseurs
L’UIPP a sollicité l’avis d’experts des parties prenantes du secteur de la protection des plantes pour se projeter en 2025. Menée par le cabinet Alcimed, cette étude confirme les tendances vers plus de biocontrôle, plus d’agriculture de précision et de solutions alternatives et isole des points de rupture avec une volonté publique et réglementaire de multiplier les interdictions de produits.
L’UIPP s’est projetée en 2025 sur l’évolution du marché de la protection des plantes en prenant la température auprès des experts, des professionnels utilisateurs, des distributeurs, des constructeurs, de l’Anses… Cette enquête qualitative (1), menée par le cabinet Alcimed en juin et juillet 2019, isole à travers les tendances, les stratégies qui se dessinent, mais aussi les points de rupture. « Ces résultats doivent nous guider et nous permettre d’actionner les bons leviers, a introduit Eugénia Pommaret directrice de l’UIPP, lors d’une conférence de presse le 15 janvier. Ils apportent des éléments de discussion avec les parties prenantes et doivent aussi éclairer sur le choix des investissements. »
Les politiques publiques à l’origine des ruptures les plus probables
La rupture potentiellement la plus forte, sur le marché des phyto, est en lien avec les politiques publiques, avec le plan Ecophyto, le plan Ambition Bio, la loi Egalim, mais aussi la Pac post-2021, le Green deal, le plan européen Farm to fork, attendu ce printemps. Les effets négatifs sont fortement probables, autant sur les volumes que sur le nombre de substances actives dont disposeront les agriculteurs. L’agriculture biologique, poussée en France, conduirait selon le cabinet Alcimed à une augmentation de la part des produits de biocontrôle et une hausse sensible des quantités de produits utilisables en bio. Quant à la réglementation interdisant l’utilisation de molécules, néonicotinoïdes et époxiconazole, elle soulève des questions sur la capacité technique pour compenser ces retraits sur l’ensemble des cultures, et pourrait laisser des filières à faible volume de production, comme l’asperge, sans solutions.
Montée en puissance du désherbage mécanique
Le segment des herbicides est aussi en pleine mutation, en lien avec une forte promotion du désherbage mécanique par les différentes parties prenantes (Plan Ecophyto2+, CEPP, Contrat de solutions…), mais pas seulement. La multiplication des contraintes règlementaires liées à l’utilisation d’herbicides, le développement de résistances de la part des mauvaises herbes, incitent à l’adoption de pratiques associant l’agronomie à la chimie. Et va profiter au désherbage mécanique même si actuellement, le taux d’utilisation en conventionnel reste faible : autour de 4 à 7 %.
Le biocontrôle, poussé par les nouvelles technologies
L’étude identifie aussi des pratiques, outils ou modèles, qui auront un impact sur le marché phyto, sans pour autant créer de rupture. Ils sont souvent conditionnés au développement de la formation. La montée en puissance de la HVE et plus généralement de la certification environnementale, soutenue dans le cadre des Egalim, devrait conduire à des évolutions sur la part des produits de biocontrôle et des produits utilisables en agriculture biologique, notamment en viticulture. D’autres facteurs agissent à la baisse sur les consommations de produits en général : le recours au pulvérisateur avec panneaux récupérateurs, abaissant d’au moins 30 % le volume épandu, l’emploi d’OAD, la robotique et l’agriculture de précision. Enfin, le développement de variétés résistantes ou tolérantes est un point-clé pour la progression de l’agroécologie et la diminution des utilisations de produits, mais demande du temps, et les bioagresseurs peuvent s’adapter aux nouvelles variétés, selon l’enquête.
Des tendances plus ou moins confirmées en Europe
Les points de rupture liés aux politiques publiques sont-ils pressentis dans les autres pays ? « Dans le Benelux oui, répond Bruno Baranne, président de l’UIPP. Dans les autres pays comme au Moyen-Orient, le Brésil ou les États-Unis, plus ou moins selon les thèmes. En Europe, le Parlement et la Commission regardent ce qui est fait en France pour faire évoluer leur politique sur la protection des cultures. Nous alertons, via nos instances européennes, sur l’importance de ne pas reconduire les erreurs faites en France en adoptant des indicateurs qui soient le reflet de l’évolution des pratiques et non fondés sur le seul levier des quantités. »
Retrouvez aussi l’analyse prospective de Référence-Appro dans notre mag dédié aux phytos.
(1) Les paramètres évalués : nombre de substances actives vendues, volumes des produits, part du biocontrôle, part de produits utilisables en bio, type de produits (herbicides, fongicides, insecticides), profil toxicologique, formulation.
Les indicateurs : contexte réglementaire, politiques publiques, montée en puissance de la HVE, nombre de pulvérisateurs avec panneaux récupérateurs, matériel de précision et OAD, désherbage mécanique, part de variétés tolérantes.