Référence agro

Étude de Pierre Rustin sur les fongicides SDHI : in vitro veritas ?

Le | Agrofournisseurs

Ce 7 novembre à 20 heures, le communiqué de l’équipe de Pierre Rustin, directeur de recherche au CNRS a été relayé dans les médias, annonçant la publication de l’étude sur l’impact des molécules fongicides SDHI sur les cultures de cellules humaines in vitro. Cette étude avait conduit le chercheur à faire des alertes en 2018 au nom du principe de précaution. L’Anses répond à nouveau et rappelle que rien ne justifie un retrait de ces produits. Une expertise collective est en cours. Explications.

L’équipe scientifique dirigée par Pierre Rustin, directeur de recherche émérite du CNRS, vient de publier dans la revue Plos One du 7 novembre, les résultats de l’étude portant sur l’impact de huit molécules (1) de la famille des fongicides SDHI sur des cultures de cellules humaines. Ces essais in vitro ont été effectués avec des doses de molécules utilisées dans les conditions des tests réglementaires actuels de toxicité pratiqués sur les rongeurs, poissons, etc. Le communiqué de l’équipe de Pierre Rustin indique que « les résultats des laboratoires montrent un effet très important des SDHI sur des cellules humaines : les fongicides induisent un stress oxydatif dans ces cellules, menant à leur mort. »

Même étude in vitro qu’en 2018

Cette étude avait fait l’objet d’une tribune en avril 2018 dans Libération par un collectif de lanceurs d’alerte composé de huit chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’Inra. Il attirait l’attention sur les risques potentiels pour la santé humaine de l’usage de fongicides SDHI, inhibiteurs de l’enzyme deshydrogénase, laquelle entre dans le processus de respiration des cellules. Pierre Rustin mène des travaux sur les maladies génétiques liées au blocage permanent de la SDH, lequel cause des cancers rares, des maladies de Parkinson, d’Alzheimer.
En publiant ce 7 novembre l’étude, Pierre Rustin réitère son souhait d’une application du principe de précaution. De son côté, l’Anses s’était autosaisie en mai 2018 pour réaliser une expertise sur les fongicides SDHI. Un avis présenté en janvier stipule que, dans l’état actuel des connaissances disponibles, aucun élément ne justifie le retrait de ces fongicides. Néanmoins, l’agence a en parallèle engagé des études complémentaires. Ce qu’elle rappelle dans son communiqué du 8 novembre. Elle a demandé à l’Inserm de prendre en compte les données de cette publication, ainsi que d’autres publications récentes, dans le cadre de l’expertise collective qu’elle mène actuellement pour actualiser les connaissances sur les effets des pesticides sur la santé.
Le professeur Gérard Lasfargues, directeur général délégué du pôle sciences pour l’expertise de l’Anses, faisait le point sur ce dossier dans le numéro de septembre 2019 du magazine Culture Agri.

Comparaisons hasardeuses selon l’Anses

L’Anses ajoute que « l’article publié le 7 novembre apporte des données nouvelles obtenues dans des conditions expérimentales sur des lignées cellulaires ». Mais elle précise, qu’en « tout état de cause, il est hasardeux de comparer les valeurs d’IC 50 (2) obtenues in vitro dans des conditions de laboratoire avec les concentrations de SDHI qui pourraient résulter des applications des pesticides sur les cultures, comme le soulignent les auteurs dans leur article ».
De son côté, l’UIPP rappelle que « dans le cadre des évaluations des produits phytosanitaires, l’Anses prend en compte l’ensemble des études scientifiques intégrant notamment les effets potentiels sur les organismes entiers, ce qui va au-delà d’études réalisées in vitro sur des cellules isolées. ». Les entreprises déclarent être attentives à toute nouvelle étude scientifique».

Enfin, l’hypothèse d’un lien supposé entre SDHI et maladies avancées par Pierre Rustin ne se vérifie pas dans l’étude épidémiologique Agrican. Celle-ci montre que la mortalité provoquée par les maladies d’Alzeimer et de Parkinson chez les agriculteurs est 38 % plus faible pour les hommes et 39 % pour les femmes que la moyenne nationale.

(1) Il s’agit du flutolanil, du fluopryram, du flutolanil, du fluopyram, du boscalid, du fluxapyroxad, du pemflufen, du penthiapryrad, de l’isopyrazam et du bixafen
(2) Concentrations inhibant, pour la moitié des cultures en cellule, les fonctions biologiques étudiées.

À propos des tests de génotoxicité effectués dans le cadre de l’homologation
« Les tests de génotoxicité sont conduits pour regarder l’effet sur l’ADN, que ce soient des effets sur les gènes ou sur les chromosomes, explique Michel Urtizberea, responsable Service Homologation chez BASF Agro. Si ces tests sont négatifs, ils le doivent pour l’autorisation d’un produit, des tests de cancérogénicité sont ensuite effectués pendant la durée complète de la vie des animaux. La substance active est dégradée en métabolites par le foie. Ces métabolites qui passent dans le sang et atteignent la cellule ne bloquent pas l’enzyme SDH.
Les tests miment une exposition de l’Homme pendant la durée entière de sa vie. Ces études de cancérogénicité visent tout d’abord à vérifier, à des doses fortes, quels sont les effets observables. Leur objectif est aussi de démontrer l’absence d’augmentation de taux de cancers après une exposition pendant la durée entière de la vie de l’animal. »