Face à la crise du marché des engrais, l’Unifa montre patte verte
Le | Agrofournisseurs
À l’occasion d’une conférence de presse organisée le 16 novembre, l’Unifa a présenté ses innovations, sa recherche et ses stratégies en faveur d’une agriculture durable et décarbonée. Des avancées dans un marché fortement chahuté par l’explosion des coûts énergétiques et le dynamisme des concurrents internationaux.
L’Unifa, l’Union des industries de la fertilisation, organisait le 16 novembre une conférence de presse. Le syndicat a exprimé son souhait d’être considéré comme un acteur majeur de la santé des sols. Sa présidente, Delphine Guey, également directrice communication et affaires publiques de Yara, a répété l’objectif des adhérents : ne pas faire moins d’engrais, mais faire du « mieux », c’est-à-dire, travailler sur une assimilation optimale des éléments nutritifs par la plante, notamment grâce aux outils d’aide à la décision, OAD. « Arvalis estime entre 15 et 30 % les céréaliers qui utilisent des OAD pour piloter la nutrition des plantes », a précisé Delphine Guey, avançant qu’à l’avenir, drones et intelligence artificielle permettront d’apporter les éléments nutritifs nécessaires avec encore plus de précision.
Des fertilisants décarbonés dès 2024 selon l’Unifa
Le syndicat a également souhaité mettre en avant des projets récurrents ces dernières années, et visant à décarboner le secteur : modernisation des usines, production d’ammoniac issu du nucléaire et des énergies renouvelables. « Les fertilisants décarbonés arrivent sur le marché français en 2024 » affirme Delphine Guey, sans pouvoir en préciser les tonnages. Ces engrais permettraient à un cultivateur de blé de réduire de 20 % son empreinte carbone, mais couteraient deux fois plus cher que les engrais conventionnels.
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Un marché affecté par les crises successives…
Si la conférence de presse a permis de mettre en lumière les investissements, innovations et intentions durables de la filière, elle n’a pas pu éclipser les difficultés d’un secteur mis à mal par la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine. Les chiffres, alarmants, de la campagne 2022-2023, font état d’une perte de vitesse pour presque toutes les matières fertilisantes : - 15 % de vente d’engrais au total, soit 9,1 Mt livrées, dont des pertes de 18,4 % en engrais azotés N, 32 % en engrais phosphorés P, 37,5 % en potasse K ainsi qu’en combinés PK.
… et l’arrivée de nouveaux concurrents
Des chiffres qui s’expliquent, entre autres, par l’entrée sur le marché européen de concurrents internationaux, après la levée temporaire des droits de douane par la Commission européenne. Le marché européen a été inondé de produits d’importation, issus notamment de nouveaux acteurs tels que le Qatar, Oman ou le Vietnam. La Russie a quant à elle augmenté de 40 % ses exportations d’engrais à destination de l’Europe, selon Eurostat. Autre clé d’explication : des stocks importants chez les distributeurs, qui ont pu être écoulés, des assolements peu gourmands en intrants, tels que les tournesols, et des impasses de fertilisation dans les zones d’élevage.
Des chiffres incomplets
Selon Florence Nys, directrice de l’Unifa, ces chiffres ne reflètent cependant pas la réalité du marché, plusieurs opérateurs majeurs n’ayant pas transmis leurs bilans au ministère. Par ailleurs, les produits d’importation n’ont pas pu être intégrés dans les statistiques, faussant les totaux. Pour autant, le marché est bel et bien en difficulté, depuis le début de la crise sanitaire. « Il va falloir réfléchir à la fertilisation autrement, a reconnu Florence Nys. Les engrais de fond sont, par exemple, sur une tendance baissière permanente. » Le secteur des engrais a craint de nouveaux chocs, avec l’intensification des conflits au Proche-Orient, depuis octobre, et la fermeture des exportations chinoises d’urée. « Mais pour le moment, le marché absorbe ces bouleversements, avance Delphine Guey. Il restera cependant tendu pour au moins les cinq prochaines années. »