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Fertilisation : les produits organiques, c’est pro

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Dans un contexte d’agriculture durable, l’utilisation des produits résiduaires organiques (PRO) pour fertiliser et amender les sols est plus que jamais d’actualité. Reste à mieux évaluer leurs valeurs en matières organiques et en éléments nutritifs N, P et K, comme l’a montré la journée d’échanges organisée le 17 mars par le Comifer et l’Académie d’Agriculture de France. Les objectifs nationaux en termes de recyclage des déchets vont se traduire par « près de 2 millions de tonnes supplémentaires de compost par an qui seront à retourner au sol d’ici à 2015 », a précisé Fabienne Muller-David de l’Ademe.

Les PRO retournent au sol pour leurs propriétés fertilisantes et amendantes, un des intérêts étant bien entendu de substituer des engrais minéraux par ces produits. Pour ceci, il faut cependant bien connaître leurs valeurs fertilisantes et organiques. Ce qui n’est pas si simple, a confirmé Philippe Eveillard de l’Unifa, « compte tenu de la grande variabilité des teneurs des produits et de la faiblesse des bases de données analytiques ». On peut retenir cependant, que les produits organiques « exogènes », qui ne sont pas issus de l’exploitation agricole, apportent environ annuellement 80 Kt d’azote, autant en phosphore et 60 Kt de potasse. J.P.

Photo : Fabienne Muller-David de l’Ademe

Des valeurs fertilisantes difficiles à estimer

Concernant les valeurs fertilisantes, c’est aussi l’incertitude, notamment pour l’azote. « La proportion d’azote organique et minéral et les formes d’azote organiques diffèrent largement entre PRO et peuvent même varier dans le temps au sein d’une même filière de production, en relation avec leur origine, leur nature, les procédés de traitement et de stockage, a expliqué Alain Bouthier, d’Arvalis-Institut du végétal. La maîtrise de la composition nécessite un suivi analytique régulier qui reste encore peu pratiqué en dehors des PRO soumis à réglementation ».

Quant à la valeur fertilisante phosphatée des PRO, des travaux expérimentaux permettent d’y voir un peu plus clair. Ainsi, « la biodisponibilité du phosphore que les produits organiques contiennent est proche de celle d’une forme minérale de phosphore soluble dans l’eau », a révélé Monique Linères de l’Inra. C’est le cas notamment de la plupart des boues d’épuration et des produits d’origine porcine. Certains traitements comme le compostage et la digestion diminueraient la biodisponibilité du phosphore. « Dans le cas d’apports répétés sur une même parcelle, il semble raisonnable de prendre en compte la totalité du phosphore apporté, a ajouté Monique Linères. Mais dans le cas de produits dont le rapport N/P est faible, les apports de phosphore seront excessifs tant que la fertilisation sera raisonnée uniquement en fonction des apports d’azote maxima autorisés »

Des progrès attendus en matière d’épandage

En tant que produits amendants, c’est-à-dire destinés à améliorer la fertilité d’un sol, les PRO ont des effets d’une part sur son statut organique, d’autre part sur son statut acido-basique. De nouveaux outils de caractérisation permettent de piloter leur valeurs, comme la mesure de l’indice de stabilité de la matière organique (Ismo) pour évaluer l’effet du produit sur le stock en carbone organique du sol à long terme ou les incubations en conditions contrôlées pour déterminer l’effet du PH sur le sol.

Le développement des PRO a stimulé ces dernières années la recherche d’épandeurs adaptés et performants. Mais comme l’a signalé, Marc Rousselet du Cemagref, des marges de progrès existent, tant en matière de répartition que de respect des doses. Près de la moitié d’épandeurs de fumier et de compost ne répondraient pas aux normes sur l’environnement. « Les principales raisons sont liés à l’irrégularité longitudinale et au choix du système d’épandage, hérissons ou table d’épandage, en fonction du produit ».

Les PRO ont un autre obstacle à franchir : celui de l’acceptation sociétale. Le dossier « boues d’épuration » est l’exemple récent de la difficulté de concilier intérêt public et demande agricole.