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Jean-Philippe Azoulay, DG de l’ECPA : « Trop de politique dans les dossiers phytos »

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Perturbateurs endocriniens, glyphosate, néonicotinoïdes… autant de dossiers européens sur lesquels les Etats membres tardent à trouver un consensus. Jean-Philippe Azoulay, directeur général de l'ECPA, l'Association européenne de la protection des plantes, nous donne son avis sur la question.


Reference-appro.com : Pourquoi la Commission européenne n'arrive-t-elle pas à obtenir de majorité qualifiée sur l'ensemble des dossiers phytos ?

Jean-Philippe Azoulay  : De nombreuses ONG, contrairement à l'ECPA, ne respectent pas l'avis de nos institutions scientifiques, à savoir l'Efsa, l'Agence européenne de sécurité alimentaire, et l'Echa, l'Agence européenne des produits chimiques. Et certains Etats membres les suivent. La politique s'immisce de plus en plus dans les prises de décisions relatives aux produits phytosanitaires. Ce qui est regrettable. Personne n'a à gagner à discréditer les évaluations menées par nos autorités scientifiques.


RA : Peut-on entrevoir une sortie sur les différents dossiers ?

J.-P. A. : Concernant le glyphosate, la décision doit être prise au plus tard le 31 décembre 2017. L'Efsa et l'Echa ayant confirmé que les usages de la molécule sont sûrs, l'ECPA demande un renouvellement d'autorisation réglementaire, soit de 15 ans. Nous ne comprenons pas les dix ans proposés par la Commission européenne.

Pour les néonicotinoïdes et les perturbateurs endocriniens, aucune échéance n'est fixée. Les discussions peuvent durer… ou, faute de majorité qualifiée obtenue, être arrêtées par une prise de décision de la Commission elle-même.


RA : Quelle est la position de l'ECPA sur les néonicotinoïdes et les perturbateurs endocriniens ?

J.-P. A.  : La Commission européenne souhaite proposer de limiter l'utilisation des trois molécules de la famille des néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) aux seuls usages sous serre. Cette proposition a été établie sur la base d'un document guide établi dans l'urgence, fondé sur des hypothèses irréalistes et qui n'a jamais été validé par les experts des Etats membres. L'ECPA demande de ce fait à la Commission d'attendre novembre, que l'Efsa rende ses conclusions sur les études complémentaires qui lui ont été apportées depuis trois ans.

Concernant les perturbateurs endocriniens, nous attendons la position du nouveau Gouvernement français. Si la France accepte l'actuelle proposition de la Commission européenne, une majorité qualifiée est possible. L'ECPA demande quant à elle que soit réintroduite, dans la proposition, la dérogation relative « au risque négligeable », qui prend en compte l'exposition réelle à ces substances. Sinon, de nombreuses molécules utiles et sûres risquent d'être interdites.


RA : Comment voyez-vous l'avenir de la protection des plantes ?

J.-P. A.  : Si la politique prend le dessus sur le scientifique, nous risquons de voir disparaître jusqu'à une centaine de molécules du paysage de la protection des plantes. Or il n'en reste déjà plus que 400, sur les 1000 autorisées il y a vingt ans. L'UE interdit plus de substances actives qu'elle n'en autorise. Et les difficultés sur le terrain se multiplient. Les producteurs doivent faire face à de plus en plus d'impasses techniques : absence de solutions, résistances… Et l'on arrive à des aberrations. En raison de la baisse des surfaces de colza due à l'interdiction des néonicotinoïdes, nous devons importer du colza d'Ukraine. Or ce dernier est traité aux néonicotinoïdes, sans perturbation signalée des pollinisateurs.

Les exigences du règlement (CE) n° 1107/2009 pour l'approbation des molécules sont trop élevées. Nous espérons que sa réévaluation mènera à une meilleure prise en compte des risques. La réduction du nombre de molécules autorisées présente des conséquentes néfastes : augmentation des volumes de produits utilisés pour venir à bout des résistances, crainte d'allonger les rotations…


RA : Le durcissement de la réglementation profite-t-il au biocontrôle ?

J.-P. A. : Probablement. Les industries investissent beaucoup dans le biocontrôle. L'ECPA promeut depuis longtemps la mise en œuvre d'une protection intégrée. Celle-ci a besoin du plus grand nombre d'outils possible. Le biocontrôle, comme les produits conventionnels, en font partie, aux côtés de l'agronomie, de la génétique… Quatorze de nos 22 adhérents sont également adhérents d'IBMA, l'Association internationale des entreprises du biocontrôle.