Jean-Philippe Azoulay, directeur général de l’ECPA : « Les délais d’autorisation des substances actives et produits phytos doivent être raccourcis »
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À la veille de ses 10 ans d’existence, le règlement (CE) n° 1107/2009 qui régit la mise sur le marché des produits phytosanitaires est en révision. Et ce, dans le cadre du programme REFIT qui examine l’ensemble de la législation de l’UE. Un rapport de la Commission européenne devrait voir le jour en 2019, pour une application éventuelle au plus tôt en 2020. Pour l’ECPA, l’Association européenne pour la protection des cultures, cette réforme doit notamment viser un raccourcissement des délais d’autorisation des substances actives et des produits, ainsi qu’une réduction du nombre de dérogations de 120 jours accordées. Le point, avec son directeur général, Jean-Philippe Azoulay.
Référence-appro.com : Pour réformer le règlement (CE) n° 1107/2009, la Commission européenne va s’appuyer sur le rapport d’analyse de la société Ecorys, publié fin octobre 2018. Êtes-vous d’accord avec ses conclusions ?
Jean-Philippe Azoulay : Sur les conclusions principales, absolument. Le rapport Ecorys conclut que les critères d’approbation des substances actives figurant dans le règlement (CE) n° 1107/2009 sont parmi les plus sévères au monde et que notre système d’évaluation protège la santé et l’environnement. Sur le maintien de la compétitivité de l’agriculture européenne et le fonctionnement du marché unique, nous sommes plus réservés. Nous nous accordons sur le fait que des lacunes subsistent dans la mise en œuvre du règlement, mais refusons l’argument des ONG qui clament que le système ne protège pas. À noter que ce rapport résulte d’un an d’enquêtes et de consultations de l’ensemble des acteurs et autorités compétentes des États membres, ainsi que d’une prise en compte de près de 10 000 avis de citoyens européens. C’est le rapport le plus complet produit à ce jour sur le fonctionnement du règlement.
R. A. : Quelles sont les lacunes relevées dans la mise en œuvre du règlement ?
J.-P. A. : Les principales lacunes résident dans le non-respect des délais d’approbation des substances actives, le mauvais fonctionnement de la reconnaissance mutuelle entre États membres et la forte augmentation des autorisations dérogatoires de 120 jours. L’ECPA est d’accord avec ces conclusions.
Les retards d’approbation par rapport aux délais légaux représentent un réel problème car ils conduisent à repousser l’utilisation de molécules plus innovantes et donc plus efficaces et protectrices de la santé et de l’environnement. Le dysfonctionnement de la reconnaissance mutuelle aboutit au même résultat : les AMM sont retardées dans les différents États membres parce que les agences d’évaluation de chaque pays ajoutent leurs propres exigences. Le système de zones, instauré par le règlement et qui vise à éviter la duplication des évaluations de produits au sein d’une même zone, est de ce fait entravé.
R. A. : Les autorisations dérogatoires de 120 jours sont passées de 127 en 2011 à 714 en 2017.
J.-P. A. : Ce constat révèle un vrai dysfonctionnement du système. Nous ne pouvons que nous opposer à cette réglementation par dérogation qui ne nous donne aucune visibilité ! Une substance est interdite ou restreinte mais se voit exceptionnellement autorisée pour certains usages. D’autres autorisations de 120 jours voient le jour parce que les usages mineurs ne sont pas suffisamment couverts ou parce que les approbations tardent.
R. A. : Dans un manifeste, des ONG proposent de faire effectuer les « essais de sécurité des pesticides » par des laboratoires indépendants. Est-ce envisageable ?
J.-P. A. : Cette délégation d’essais n’existe dans aucun modèle industriel. Et pour cause, cela conduirait à une vraie usine à gaz ingérable, notamment parce que nos produits sont mis sur le marché mondial et non seulement européen. L’approbation d’une molécule exige environ 200 études. Et ce n’est pas parce que ces études sont réalisées par les industriels ou sur demandes de ces derniers qu’elles sont opaques : elles sont conduites selon des lignes directrices et protocoles internationaux, établis par des experts indépendants, et selon les bonnes pratiques de laboratoire, très strictes et vérifiables.
Enfin, rappelons que nos industries ont pris l’engagement de mettre à disposition, sur demande, toutes les données des dossiers d’homologation, en respectant bien sûr la propriété intellectuelle. L’ECPA prône la plus grande transparence. Nous regrettons d’être considérés par nos opposants uniquement comme un problème. Reconnaître que nous faisons partie de la solution permettrait d’avancer plus rapidement pour offrir une alimentation toujours plus saine et à moindre impact.