Jean-Pierre Princen, président d’IBMA France - « Un certificat d’économie de pesticides ? Oui, mais avec les outils actuels »
Le | Agrofournisseurs
Les produits de biocontrôle ont, depuis 2011, fait l'objet d'attentions particulières de la part du gouvernement. Mais pour Jean-Pierre Princen, président d'IBMA (1) France, les intentions et outils mis en place doivent maintenant être déployés et renforcés.
Référence-appro : Les produits de biocontrôle disposent-ils désormais des moyens nécessaires pour voir leur utilisation progresser ?
Jean-Pierre Princen : Depuis 2011, les pouvoirs publics se sont mobilisés pour développer le biocontrôle : le rapport d'Antoine Herth a donné naissance à une feuille de route dédiée au ministère chargé de l'agriculture, puis à la création du Nodu et de l'IFT Vert biocontrôle (2). Vingt-trois organismes (ministères, distribution, prescription…) ont par ailleurs signé un accord-cadre pour promouvoir et développer le biocontrôle. Il faut désormais que tous ces outils et engagements se mettent en place, et le plus vite possible. IBMA France, qui regroupe 32 sociétés de biocontrôle, a recruté un secrétaire général permanent en la personne de Charles Vaury pour accompagner cette mise en place. Le travail est conséquent.
RA : Le rapport sur l'agro-écologie présenté le 11 juin par Marion Guillou vous paraît-il favorable au développement du biocontrôle ?
J.-P. P. : Bien sûr ! L'agro-écologie, avec son approche globale des systèmes de production et un conseil « sans prêt-à-porter », va dans le sens d'une meilleure prise en compte des produits de biocontrôle. Car ces spécialités, il faut le rappeler, ne se substituent pas aux produits phytosanitaires conventionnels. Ils nécessitent un raisonnement différent de la protection sanitaire classique. Un raisonnement qui doit davantage faire appel à l'agronomie, à l'anticipation et à la prévention des risques.
RA : La proposition de mettre en place des certificats d'économie de pesticides vous semble-t-elle réalisable ?
J.-P. P. : L'idée est bonne, mais sa mise en œuvre peut être complexe et longue. Pourquoi, dès lors, ne pas imaginer un système équivalent mais utilisant les outils actuels, à savoir la redevance pour pollutions diffuses et l'IFT vert biocontrôle, qui servirait de fiscalité positive ? Par exemple, les distributeurs, qui paient actuellement la redevance pour pollutions diffuses sur les produits phytosanitaires classés dangereux, pourraient recevoir des subventions ou des crédits d'impôts lorsqu'ils vendent des produits de biocontrôle. Cette solution permettrait de surcroit de faire baisser l'IFT puisque ces produits sont désormais décomptés du bilan IFT. Le dispositif serait alors immédiatement opérationnel. Il s'agirait d'une incitation fiscale positive, actionnable par les distributeurs. Et perceptible par les agriculteurs qui verraient figurer une ristourne en cas d'achat de produits de biocontrôle.
RA : Les agriculteurs disposent-ils suffisamment de produits de biocontrôle ?
J.-P. P. : Les produits existent, mais leur homologation tarde ! La mise en marché de ces spécialités dont le profil environnemental est particulièrement favorable doit être accélérée. Pourquoi aux Etats-Unis, les producteurs bénéficient-ils de quatre fois plus de produits de biocontrôle ? Parce que leur homologation est facilitée. L'évaluation de ces produits devrait bénéficier d'une équipe dédiée à l'Anses. Pourquoi pas un guichet distinct des produits phytosanitaires classiques et une réglementation adaptée, comme l'est déjà celle relative aux SDN, les stimulateurs des défenses naturelles. De même, il faut que l'évaluation de ces substances au niveau européen soit simplifiée : un domaine sur lequel la France pourrait être motrice. Enfin, la reconnaissance mutuelle devrait être possible entre tous les Etats membres, et ce avec une mise en marché dans les trois mois qui suivent la demande de reconnaissance mutuelle.
(1) IBMA : Association internationale de l'industrie du biocontrôle
(2) Nodu : Nombre de doses unités ; IFT : Indice de fréquence de traitement.