Référence agro

« La morphologie des cours d’eau : une piste pour la qualité » : Julien Grand, conseiller agro-environnement à la Chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle

Le | Agrofournisseurs

Julien Grand a été recruté en 1999 à la Chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle pour mettre en place l’opération fertimieux sur la réduction des nitrates. Aujourd’hui, son champ d’action a dépassé le périmètre de la parcelle et il s’attaque à la morphologie des cours d’eau. Entretien avec le conseiller agro-environnement, dans le cadre de la série de portraits que réalise Référence environnement. Référence environnement : Sur quel projet travaillez-vous actuellement ? Julien Grand : Notre sujet d’actualité est l’hydromorphologie des cours d’eau avec l’Agence de l’eau Rhin Meuse. L’objectif est de redonner vie aux cours d’eau et d’augmenter la capacité auto-épuratrice de l’eau afin de mieux dégrader les matières polluantes. Pour cela, les techniciens de rivières des collectivités territoriales (financés par l’Agence) réalisent des aménagements de cours d’eau, à l’issue d’un diagnostic chez les riverains, souvent exploitants agricoles : entretien, végétalisation, pose de clôture… Nous sensibilisons les agriculteurs à ce sujet, notamment les éleveurs qui font parfois pâturer leurs animaux en bordure de ruisseaux. Ces aménagements peuvent impacter leurs pratiques : il faut donc qu’ils les comprennent pour qu’ils les acceptent. Référence environnement : Cela fait quinze ans que vous conseillez les agriculteurs. Est-ce que leurs pratiques ont évolué ? Julien Grand  : Nous avons encore du pain sur la planche, mais il y a de réels progrès. Un tiers des agriculteurs ont adhéré aux mesures agri-environnementales, MAE, « réduction d’intrants », ce qui a contribué à réduire les IFT (indices de fréquence de traitement). Nous avons particulièrement axé notre discours sur la rotation : les surfaces en culture de printemps sont ainsi passées de 15 % à plus de 25 % des terres labourables. J’ai été embauché à la Chambre d’agriculture pour réaliser les programmes fertimieux, car la préoccupation majeure était les nitrates. Puis l’Agence de l’eau Rhin Meuse a repris l’initiative avec le projet «  Agrimieux » en ajoutant la réduction des produits phytosanitaires. De l’application stricto sensu de la réglementation, avec l’arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la gestion des effluents phytosanitaires, nous sommes allés vers des mesures agronomiques plus volontaires. Dans le même temps, les agriculteurs connaissaient de fortes résistances aux herbicides dans les parcelles : Il y avait donc des intérêts convergents à allonger les rotations qui ont contribué à réduire les herbicides. Si, la qualité de l’eau s’est améliorée, nous avons connu en 2014 un problème de pollution avec l’isoproturon sur le Rhin, une molécule dont nous devons encore réduire l’usage. Nous travaillons actuellement sur les cultures associées qui présentent des résultats intéressants en colza, tant en matière de raisonnement de la fertilisation que de la maîtrise des mauvaises herbes ou pour réduire l’activité des ravageurs. Référence environnement : Les agriculteurs sont-ils motivés par l’agro-écologie ? Julien Grand : Les conseillers sont actuellement plus à l’aise pour parler environnement qu’il y a quelques années. Mais l’agro-écologie est un nouveau terme que les agriculteurs maîtrisent mal. Ils en font depuis longtemps, sous d’autres noms : protection intégrée, agriculture raisonnée, etc. Ils connaissent davantage les démarches locales, comme Agrimieux, dans lesquelles ils sont impliqués. Nous communiquons sur ce thème : nous avons rebaptisé certains de nos tours de plaine «  l’agro-écologie sur le champs ». Référence environnement : Quels sont les thèmes environnementaux qui montent ? Julien Grand : Je pense que nous allons rester encore un certain temps sur la qualité de l’eau car il y a beaucoup de travail. La thématique de la biodiversité commence aussi à prendre, avec les trames vertes et bleues. Les agriculteurs remarquent qu’il y a davantage d’auxiliaires lorsque l’on implante des infrastructures agro-écologique. Quant à la problématique climat, il manque encore des connaissances sur les leviers à activer et sur leur réelle efficacité. A titre d’exemple, nous avons beaucoup vanté l’intérêt du travail du sol simplifié, mais cela est controversé aujourd’hui. Et puis, certains leviers pour le climat vont à l’encontre d’autres thématiques environnementales, comme l’usage de certains herbicides. Ce qui se développe bien reste la production d’énergie sur l’exploitation, à l’instar de la méthanisation.