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« Les agriculteurs ne peuvent pas aller seuls vers la protection intégrée »

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Dans les systèmes testés en protection intégrée, PI, sur la ferme expérimentale Inra de Dijon-Epoisse depuis dix ans, les résultats montrent qu’il est agronomiquement possible de maîtriser les mauvaises herbes en ayant peu recours aux herbicides. Le volet économique reste toutefois à valider. Un système de PI sans labour, un système de PI sans désherbage mécanique, une PI typique, et un système sans herbicides ont été expérimentés, en référence avec un système de culture colza-blé-orge classique de la région bourguignonne. Entretien avec Nicolas Munier-Jolain, chercheur à l’Inra de Dijon. Référence environnement : Quels résultats avez-vous obtenus en matière de réduction des pesticides avec la PI ? Nicolas Munier-Jolain : Si les résultats varient d’un système à un autre, les leviers testés permettent de maîtriser de façon satisfaisante les infestations tout en réduisant la dépendance aux herbicides. Par exemple, avec la PI typique, où nous avons utilisé de nombreux leviers agronomiques pour réduire l’utilisation d’herbicides, nous avons divisé par trois l’indice de fréquence de traitement IFT herbicides. Autre enseignement : l’IFT global - tous pesticides confondus - est réduit de 50 à 80 % selon les systèmes. En effet, quand nous adoptons des méthodes de gestion des adventices, elles ont un impact sur le développement d’autres bioagresseurs. Des exemples ? Le fait de semer tard le blé, associé à une réduction des apports d’azote, va rendre les plantes moins sensibles aux maladies. L’utilisation de variétés plus résistantes a aussi un impact logique sur les quantités de pesticides. R.E. : Avez-vous identifié des leviers qui ont un impact plus fort que d’autres ? N. M.-J.  : non, ce type d’expérimentation ne le permet pas. Mais tous les leviers sont importants : chacun a des effets partiels. C’est la combinaison des leviers qui permet une efficacité globale du système, et il peut y avoir des interactions entre eux. Les moyens de gestion peuvent également varier en fonction des régions et des types de production. Sur les systèmes céréaliers à base de colza, blé et orge, il faut diversifier la rotation pour réduire l’utilisation d’herbicides et couper le cycle des adventices. En système à base de maïs, le binage associé au désherbage chimique localisé uniquement sur les rangs de maïs va réduire l’usage d’herbicide, sans que la diversification des cultures semble indispensable. D’autant plus que les semences des espèces adventices infestant le maïs sont très résistantes et survivent plus d’un an dans le sol. Toutefois, la PI n’est pas simple à mettre en œuvre. Les exploitants devront être accompagnés, comme dans le cadre des fermes Dephy du plan Ecophyto 2018. R.E. : Vous montrez que la PI entraîne un surcoût pour les agriculteurs… N. M.-J.  : Si les agriculteurs bourguignons font la rotation colza-blé-orge, c’est que c’est la plus rentable dans leur contexte de sol et de climat ! Il faut donc trouver des cultures de diversification qui amènent les mêmes intérêts économiques. C’est pourquoi, nous estimons que les agriculteurs ne peuvent pas aller seuls vers la protection intégrée qui nécessite la diversification. Il faut que toute la filière et notamment les acteurs économiques, s’y investissent pour trouver des variétés plus compétitives sur ces cultures de diversification, ainsi que des débouchés commerciaux. R.E. : Quelles seront les suites de votre étude ? N. M.-J. : L’expérimentation se poursuit, en mesurant notamment les effets sur la biodiversité. Et sur les transferts de pesticides vers les eaux souterraines. L’idée est de montrer qu’il y a bien une relation entre réduction d’usage de pesticide, prévue par le plan Ecophyto, et réduction des impacts environnementaux. C’est ce que nous allons tester et modéliser sur plusieurs sites, à Dijon, Mons en Picardie et à Toulouse avec l’école supérieure d’agriculture de Purpan.