Marché des matières premières : Paris veut une régulation européenne
Le | Agrofournisseurs
Dans un discours prononcé le 25 août devant les ambassadeurs de France, Nicolas Sarkozy avait assuré que la régulation des marchés de matières premières, y compris agricoles, serait une priorité de sa présidence du G20 (voir notre lettre précédente). Place aujourd’hui au service après-vente.
Trois ministres français ont adressé le 31 août, une lettre en ce sens aux commissaires européens au Marché intérieur, à l’Agriculture et à l’Energie. Dans cette missive, la ministre de l’Économie Christine Lagarde, et ses homologues en charge de l’Agriculture et de l’Écologie, Bruno Le Maire et Jean-Louis Borloo, réclament une initiative législative européenne « sur la régulation des marchés dérivés de matières premières et assimilés ». La question concerne aussi bien les produits agricoles que pétroliers, gaziers, ou les marchés de CO2.
Michel Barnier, commissaire européen en charge des services financiers, a indiqué, dès le 1e septembre, partager le constat français : « Je pense que c’est un débat que nous devons avoir au niveau européen et au niveau mondial, car c’est une question complexe qui demande une coordination internationale », a-t-il estimé. Jean Pambrun
Le 15 septembre, la Commission européenne devrait présenter des propositions sur les produits dérivés apportant « plus de transparence et de discipline, y compris ceux liés aux matières premières », a souligné Michel Barnier. Bruxelles a également prévu d’examiner ce sujet lors d’une audition prévue de très longue date, sur la révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers (Mif), les 20 et 21 septembre dans la capitale belge.
Limiter les effets de la spéculation
Tout le monde, dirigeants politiques et professionnels de la finance et de l’agriculture, s’accorde à dire qu’une régulation est nécessaire afin de limiter les effets de la spéculation sur les matières agricoles et éviter les conséquences dramatiques d’une nouvelle crise alimentaire. « Le scénario de 2007 (Ndlr : les émeutes de la faim dans les pays du Sud provoquées par un prix de blé qui avait atteint près de 300 euros la tonne) ne doit pas se répéter », a indiqué le 26 août à Noivoitou (35), Luc Guyau, président du conseil de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « La hausse des cours est beaucoup plus spéculative qu’il y a trois ans et n’est pas justifiée par la baisse, réelle, de la production du fait notamment de la sécheresse en Russie, a-t-il déclaré. La flambée des prix est d’autant plus exagérée que les stocks de blé s’établissent à environ 90 jours, alors qu’ils étaient tombés à 56 jours en 2007 ».
Constituer des stocks européens de réserve
Pour Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, qui s’exprimait le 1e septembre, devant la presse, « les chefs d’État réunis au sein du G20 ont le devoir de maîtriser la volatilité des marchés des céréales car on ne peut pas jouer avec l’alimentation d’une partie de l’humanité ». En guise de solution, la meunerie française (ANMF) propose d’instaurer « des règles spécifiques plus strictes et plus restrictives pour les marchés des produits agricoles que pour les produits dérivés en général, comme entre autres la connaissance des positions ouvertes des opérateurs financiers, la fixation de limites d’emprise, des limites journalières de variations de cours ». Les meuniers français plaident également pour « la constitution d’un stock européen de réserve ».