Mercosur, un accord loin de « l’esprit des EGA » pour les filières agricoles
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Mieux connaître, et comprendre, l’impact de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (1), dans le domaine agricole. C’est à cette fin qu’ont été auditionnés les représentants des filières agricoles (2), le 17 juillet au Sénat, par le groupe d’études Agriculture et alimentation, rattaché à la commission des affaires économiques de l’hémicycle. Car si l’UE et l’entité sud-américaine se sont accordées sur les termes de l’accord le 28 juin, après plus de vingt ans de négociations, les inquiétudes sont vives au sein du secteur agricole.
Des standards de production et environnementaux en décalage
Les craintes découlent principalement des modèles agricoles sud-américains, « à l’opposé de ce que nous faisons en France, et de ce qui a été défendu lors des États généraux de l’alimentation », fustige Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB). En effet, les normes de production des pays du Mercosur sont moins exigeantes, faisant planer l’inquiétude de potentielles distorsions de concurrence. Les élevages de vaches y oscillent entre 30 000 et 50 000 têtes, contre 60 en moyenne en France, les OGM sont utilisés de manière courante dans l’alimentation animale et la traçabilité individuelle des animaux y est inexistante. « L’Union européenne nous dit qu’il y aura des contrôles, mais les normes ne sont pas les mêmes. Il y a eu des affaires de falsification de documents au Brésil », s’inquiète Jean-Michel Schaeffer, président de l’Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair (Anvol). Ce dernier réclame ainsi un « étiquetage européen », obligatoire également pour la restauration hors domicile, pour assurer la transparence de l’origine des produits. Pour l’heure, le pessimisme règne. « On ne peut pas protéger nos normes européennes au travers des accords de libre-échange. C’est strictement interdit par les règles de l’OMC », résume Bruno Dufayet.
Une « marche arrière » pour l’environnement
Les conséquences de cet accord pour l’environnement ont également été soulignées. Les hormones sont en effet les seules substances interdites par l’accord trouvé entre les deux entités économiques. « La question environnementale est essentielle aujourd’hui. Avec ces accords de libre-échange nous faisons marche arrière », regrette Éric Lelong, président de l’interprofession apicole. À titre d’exemple, 74 % des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits en Europe. « Nous avons réduit de moitié l’utilisation d’antibiotique en six ans, ce qui a nécessité des investissements énormes. Mais ces produits ont autorisés là-bas. », se désole Jean-Michel Schaeffer. Même son de cloche pour Matthieu Caldumbide, directeur adjoint de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM). « Les néonicotinoïdes sont largement utilisés en Amérique du Sud. De plus, 89 % des productions sont OGM au Brésil et 97 % en Argentine. » Pointant ce déséquilibre des règles du jeu entre l’Union européenne et le Mercosur, Bruno Dufayet plaide pour la « mise en avant du modèle agricole français, prônant la durabilité et le respect de l’environnement ».
Des accords de libre-échange qui se multiplient
De nombreuses inquiétudes qui portent enfin sur la multiplication de ces accords de libre-échange, l’Assemblée nationale devant voter, après un report, l’accord du Ceta (avec le Canada), avant le mardi 23 juillet. « Le problème est bien celui de la succession de ces accords, souligne André Bonnard, secrétaire générale de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), citant le cas d’accords avec le Mexique ou de l’Océanie, encore à l’état de projet. Selon une étude de l’Institut de l’élevage (Idele), la succession de ces accords menaceraient 30 000 exploitations françaises. Rien n’est cependant encore fait. L’accord doit encore être ratifié par les pays membres des deux entités, et être approuvé par le Conseil et le Parlement européens. Selon Cecilia Malmström, la Commissaire européenne au commerce, l’entrée en vigueur de cet accord n’interviendrait pas avant un délai de deux ans minimum.
(1) Communauté économique regroupant le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Ce marché commun du Sud représente près de 82 % du PIB de l’Amérique du Sud.
(2) Fédération nationale bovine (FNB), Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair (Anvol), Interprofression nationale porcine (Inaporc), Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS), Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA), Interprofession des produits de la ruche (Interapi)