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Néonicotinoïdes : la profession agricole attend des éléments scientifiques

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Quelle est la position du monde agricole, par rapport aux déclarations de Ségolène Royal sur les néonicotinoïdes, que nous relayions la semaine passée ? Référence-environnement s’est entretenu avec la FNSEA, l’APCA et l’AGPB*. Extension et élargissement du moratoire européen, saisine de l’Anses pour accompagner les décisions européennes à l’échelle française, accélération du processus de réévaluation de la famille chimique au niveau de la recherche. C’est la série de mesures annoncée par Ségolène Royal le 19 mai (Voir notre article : Néonicotinoïdes : Ségolène Royal convaincue d’une interdiction totale à terme). Rémi Haquin, président de l’AGPB et de la Commission environnement d’Orama, réagit d’abord sur le timing. « Il faut laisser les expérimentations en cours aller à leur terme. Cette prise de position anticipée avant les retours scientifiques est malvenue, elle donne l’impression que les décisions sont prises avant que les experts se prononcent ». Eric Thirouin, président de la Commission environnement de la FNSEA, prône également l’attente d’éléments scientifiques. « La réévaluation est dans les mains de l’Efsa, l’Agence européenne de sécurité des aliments. Nous nous rangerons à son jugement. Ce qui compte pour nous, c’est la cohérence européenne », affirme-t-il. Sous-entendu : il est important que la concurrence avec les voisins européens de la France reste saine. Sébastien Windsor, du conseil d’administration de l’APCA, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, et président de la Chambre de Seine-Normandie, abonde : «  Le cas des néonicotinoïdes ne doit pas être traité au niveau français. Le marché des productions végétales est international, et la position de la France ne peut pas être déconnectée du reste du monde. Il faut garder la compétitivité de nos céréales, au risque de voir arriver des productions étrangères produites avec des critères moins stricts. » « Progresser dans la compréhension du mode de fonctionnement de ces produits » Le monde agricole a donc les yeux fixés sur le travail de Efsa, comme le confirme Sébastien Windsor : « Il est évident que nous avons besoin de progresser dans la compréhension du mode de fonctionnement de ces produits, de leur impact, notamment sur les pollinisateurs, ce qui nécessite aussi de les utiliser pour avoir des références. » Reste qu’une interdiction totale et définitive des néonicotinoïdes nécessiterait une adaptation qui n’irait pas forcément dans le sens environnemental, selon les professionnels. Par exemple, éliminer ces produits sur certaines cultures, comme la betterave, pousserait l’agriculteur à utiliser quatre à cinq insecticides en remplacement, à la place d’un seul néonicotinoïde… avec des conséquences négatives sur la qualité de l’eau ou encore la biodiversité. Alors même que la betterave ne fleurit pas : le monde agricole demande donc que les règles soient différenciées selon les cultures. « La profession doit mieux utiliser ces substances, uniquement là où il y en a besoin. Les instituts techniques y travaillent », complète Sébastien Windsor. Mieux comprendre les néonicotinoïdes est l’un des aspects du problème. Compenser leur éventuelle interdiction en est une autre. « Les néonicotinoïdes sont efficaces et sortent les agriculteurs d’impasses. En cas d’extension du moratoire, il faut trouver des solutions alternatives, estime Eric Thirouin. Je pense qu’il faudrait passer plus de temps à chercher ces solutions plutôt que d’entretenir des débats et les déclarations d’intention. » * Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, Assemblée permanente des chambres d’agriculture, Association générale des producteurs de blé