Référence agro

Néonicotinoïdes : l’Assemblée opte pour une interdiction en 2018 avec dérogations possibles et suscite une insatisfaction générale

Le | Agrofournisseurs

 

Interdiction, à compter du 1er septembre 2018, d’utiliser les produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances de la famille des néonicotinoïdes et les semences traitées avec ces produits, mais dérogations possibles jusqu’au 1er juillet 2020 : telle est la position adoptée par l’Assemblée nationale dans la nuit du 22 au 23 juin, lors de la troisième lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. Ces dérogations seront accordées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé, sur la base d’un bilan établi par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui compare les bénéfices et les risques liés aux usages de ces spécialités avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives possibles. « Ce bilan porte sur les impacts sur l’environnement, notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique et sur l’activité agricole », précise le texte adopté.

Un pas vers la position du Sénat ?

L’Assemblée nationale avait à prendre en compte pas moins de 45 amendements et sous-amendements à l’article 51 quaterdecies relatif à la question des néonicotinoïdes. En adoptant des dérogations possibles jusqu’en 2020, elle semble vouloir se rapprocher de la position du Sénat. Les sénateurs n’avaient pas adopté de date butoir en deuxième lecture du texte. Mais ils avaient cependant fait savoir, par la voix du rapporteur Jérôme Bignon intervenu après l’échec de la Commission mixte paritaire, qu’ils étaient prêts à accepter une interdiction à l’horizon 2020.

Suppression du moratoire sur les VTH

Par ailleurs, lors de cette nouvelle lecture, les députés ont supprimé le moratoire sur la mise en culture de semences de colza et de tournesol tolérantes aux herbicides issues de mutagénèse qui avait été adopté en Commission.

Le projet de loi doit désormais passer en nouvelle lecture au Sénat début juillet, puis retourner à l’Assemblée nationale pour une adoption définitive.

 

Réactions : insatisfaction générale

 

Nombreux sont les organisations représentantes de producteurs qui ont réagi pour dénoncer une interdiction passant outre les avis de l’Anses et l’absence à court et moyen terme de solutions alternatives. Orama, l’Union qui fédère les producteurs de blé, de maïs et d’oléoprotéagineux, comme la CGB, qui rassemble les betteraviers, ou encore la Coordination rurale et l’OPG, l’Organisation des producteurs de grains, toutes s’inquiètent de l’avenir des cultures et de la perte de compétitivité de l’agriculture française. Coop de France parle quant à elle d’un délai d’interdiction « irréaliste », précise que « l’agriculture ne doit pas être la victime d’une décision politique » et demande aux sénateurs « d’adopter une mesure plus équilibrée, qui laisse le temps d’une véritable évaluation comparative des différentes solutions existantes ». Pour l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), « cette disposition est contraire à la réglementation européenne et portera de ce fait une atteinte évidente à la compétitivité de l’agriculture française en accélérant les distorsions de concurrence ».

De leur côté, les environnementalistes comme Générations futures, LPO, Agir pour la biodiversité, WWF… et la Fondation Hulot regrettent les dérogations possibles jusqu’en 2020. Ségolène Royal se satisfait quant à elle de l’interdiction des utilisations au 1er septembre 2018, « comme elle l’avait souhaité », et parle des possibles dérogations comme d’un « processus pragmatique et équilibré qui doit permettre de sortir du modèle d’utilisation des néonicotinoïdes ».