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Néonicotinoïdes : les députés repoussent l’interdiction au 1er septembre 2018

Le | Agrofournisseurs

Le 17 mars, peu avant minuit, les députés ont adopté, en deuxième lecture du projet de loi sur la biodiversité, un amendement qui prévoit l’interdiction d’utiliser, à partir du 1er septembre 2018, des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits. Le texte a été adopté à 30 voix pour et 28 contre, après plus de deux heures de discussions et l’examen de près de 50 amendements déposés sur le sujet. Il vient remplacer ce qui avait été voté en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à savoir l’interdiction à compter du 1er janvier 2017. Stéphane Le Foll avait adressé un courrier aux parlementaires les incitant à ne pas soutenir l’interdiction. La Commission du Sénat avait adopté  en juillet la parution d’un arrêté déterminant les conditions d’utilisation de ces produits afin de tenir compte de l’avis de l’Anses. L’avis a été publié le 7 janvier 2016. Il préconise un renforcement des utilisations. Le  projet de loi adopté par le Sénat lors de l’examen en première lecture en janvier 2016 a été dans ce sens.  Prochaine étape : le passage en deuxième lecture au Sénat. Définir des solutions de substitution Le texte planifie également la promulgation d’un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé pour définir, après avis de l’Anses, des solutions de substitution, comprenant des produits phytopharmaceutiques et des pratiques culturales. Le ministre de l’Agriculture a d’ailleurs saisi l’Anses le 18 mars. Sur la base de l’avis, la France saisira ensuite la Commission européenne afin que les restrictions éventuelles puissent s’appliquer dans l’ensemble de l’Union européenne. La distorsion de concurrence est un des points de contestation fort du monde agricole. L’enjeu, pour Stéphane Le Foll, est d’harmoniser la réglementation communautaire. Le ministre de l’Agriculture a d’ores et déjà annoncé le 18 mars que la France s’opposera au niveau européen les 22 et 23 mars à la demande de l’Allemagne soutenue par l’Autriche d’augmenter les limites maximales de résidus de thiaclopride autorisées dans les miels. Ce pays, comme la France, interdit l’usage de semences enrobées de néonicotinoïdes pour le colza. Mais, deux applications de néonicotinoïdes y sont permises pendant la floraison et en dehors de la présence d’abeilles, contre une seule en France. En pratiquant deux passages les agriculteurs allemands dépassent la norme alors que les français respectent le seuil de LMR. Gaëlle Gaudin et Anne Delettre

  • De nombreuses réactions
Coop de France voit une interdiction plus emblématique que rationnelle. L’organisation appelle les sénateurs « à reprendre en seconde lecture l’amendement proportionné qu’ils avaient voté, conforme aux règles européennes et nationales d’autorisation des produits de protection des plantes. » L’UIPP déplore cette disposition « contraire aux règles européennes et aux annonces faites par le gouvernement de ne pas les surtransposer en France ». « L’interdiction des néonicotinoïdes est une atteinte évidente à la compétitivité de l’agriculture française, une nouvelle fois confrontée à de considérables disparités. Le vote nie la réalité des besoins du monde agricole et va conduire à des impasses agronomiques (…) La préservation de la biodiversité ne fait pas débat, tout comme la nécessité de la protection des cultures aux filières végétales françaises. Pour Eugénia Pommaret, directrice générale de l’UIPP : « Nos entreprises s’inscrivent au quotidien dans des démarches de progrès, sans attendre de nouvelles contraintes réglementaires pour faire preuve de responsabilité ». Bayer dénonce la suppression petit à petit pour les agriculteurs de leurs outils de production : certains agriculteurs vont en outre se retrouver dans de véritables impasses pour protéger leurs cultures (certaines productions arboricoles comme les noisettes, mais aussi certains usages en maïs, céréales et en betterave) et pourraient voir leur récolte chuter de 15 à 40 % en fonction des cultures à la suite du retour de certaines maladies comme la jaunisse virale ou de ravageurs comme les pucerons. « C’est une mesure court-terme qui prétend résoudre une question complexe et des enjeux long-terme, c’est un désaveu pour toutes celles et tous ceux qui œuvrent jour après jour à la construction d’une agriculture doublement performante sur le plan économique et environnemental », explique Frank Garnier, président de Bayer France Selon l’Union française des semenciers, aucune solution alternative biologique ou génétique efficace ne pourra être proposée sur le marché avant septembre 2018 : « La décision de l’Assemblée Nationale va donc laisser les agriculteurs sans solution de substitution efficace et les obliger à multiplier les traitements foliaires insecticides (…). Cette décision impactera la production de semences en France qui ne bénéficiera pas de solutions technique efficaces contrairement à nos compétiteurs. » Les principales organisations professionnelles en grandes cultures, AGPB, AGPM, CGB relèvent l’absence de nouvelles données depuis l’autorisation des produits visés et s’appuient sur la recommandation du 7 janvier 2016 de l’Anses avec l’encadrement des pratiques et non l’interdiction des néonicotinoïdes. La FNSEA demande au Gouvernement et aux Sénateurs de respecter le bon sens et le principe de réalité lors de la deuxième lecture au Sénat. « Réconcilions avec pragmatisme écologie et économie tout simplement ». A l’inverse, les ONG, à l’instar de l’Union nationale de l’apiculture française, se déclarent satisfaites que l’Assemblée prenne enfin ses responsabilités face à la dangerosité de ces produits mais regrette le délai de deux ans pour la mise en application de l’interdiction.