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Néonicotinoïdes : les dérogations seront rares, la betterave trouve une solution

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Aucune grande culture n’a obtenu de dérogation à l’interdiction d’utilisation des néonicotinoïdes. La betterave compte sur une extension d’usage de Teppeki. Le maïs étudie la voie juridique.

Les rares dérogations à l’interdiction d’utilisation des néonicotinoïdes ne devraient, comme annoncé précédemment, concerner que l’acétamipride. Seuls le navet, les noisettes et la figue pourraient en bénéficier. Ces trois filières sont les seules à ne pas avoir reçu de refus à leur demande de dérogation. Mais elles n’ont pas non plus, à ce jour, reçu de notification d’accord. Des informations complémentaires leur ont été demandées par les ministères chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé, lesquels sont chargés de signer les arrêtés dédiés.

Betteraves : à défaut de dérogation…

Malgré tous ses efforts, la filière betterave n’a pas obtenu gain de cause. Aucune dérogation ne lui sera accordée pour des produits à base d’imidaclopride ou de thiaméthoxam. Le Gouvernement avance que le rapport de l’Anses mentionne une alternative, les pyréthrinoïdes. « Nous avons le sentiment d’être dans un jeu de dupes, note Nicolas Rialland, directeur des affaires publiques à la CGB. L’Anses laisse entendre que nous avons une alternative avec le mélange constitué de carbamates et de pyréthrinoïdes, alors que la résistance du puceron vert à ce produit est avérée. Plusieurs études le mentionnent et nos essais conduits en 2017 et 2018 le confirment. Nous sommes bien dans une impasse technique pour lutter contre ce vecteur de la jaunisse. Or le Président de la République avait affirmé qu’il ne laisserait pas les agriculteurs dans de telles impasses. »

… une extension d’usage de Teppeki est attendue

Pragmatique, la filière préfère s’orienter vers une autre solution, comme évoqué précédemment : l’extension d’usage sur betteraves de l’insecticide Teppeki à base de flonicamide. « Le plus urgent est d’obtenir une solution pour la prochaine campagne, même si elle s’avère moins confortable qu’un traitement de semences actif durant une centaine de jours », précise Nicolas Rialland. Les betteraviers devraient pouvoir bénéficier de ce nouvel usage dès 2019. Le dossier est en cours d’instruction à l’Anses et une dérogation de 120 jours sera demandée au cas où l’extension d’usage n’arrive pas à temps.

Recours juridique à l’étude pour le maïs…

Sur maïs, en revanche, aucune solution n’est en vue pour lutter contre les mouches. « Aucun autre produit efficace que le Sonido sur le marché, ni dans les tuyaux, souligne Céline Duroc, directrice générale de l’AGPM. Or 2016 a montré que les mouches constituent un vrai risque pour la production. » La dérogation demandée pour ce produit à base de thiaclopride a été refusée. « Alors que le rapport de l’Anses stipule qu’aucune alternative n’existe !, s’indigne Céline Duroc. À l’heure actuelle, l’utilisation du thiaclopride n’est pas restreinte au niveau européen. L’interdiction française va donc entraîner des distorsions de concurrence. »

Dès lors, l’AGPM envisage la voie juridique. L’association étudie en ce moment toutes les options possibles : contestation du refus de dérogation, recours auprès du Conseil d’État…

… et pour les pommes

La piste juridique pourrait également être choisie par l’ANPP, l’Association nationale pommes poires. « Notre demande de dérogation pour utiliser sur le puceron cendré le produit Suprême 20 SG, à base d’acétamipride, a été refusée, informe Pierre Varlet, responsable veille technique et réglementaire pour l’association. Comme le précise l’Anses, des solutions d’autres familles que les néonicotinoïdes sont autorisées sur cet usage (flonicamide et pyréthrinoïdes). Pour autant, ces spécialités montrent leur limite compte tenu de leur mode d’action, de leur risque de résistance ou de leur impact sur la faune auxiliaire. » Mais le Gouvernement reste sur le rapport de l’Anses, qui indique que des alternatives chimiques ou non chimiques suffisamment efficaces et opérationnelles existent pour cet usage.

Les arboriculteurs bénéficient de dérogations de 120 jours depuis 2014 pour Neemazal-T/S, à base d’azadirachtine (huile de neem) ; le produit attend toujours son AMM.

Pourquoi seulement l’acétamipride ?

Pour les trois molécules de la famille des néonicotinoïdes dont l’utilisation a été restreinte par l’UE aux seuls usages sous serres (clothianidine, imidaclopride et thiamétoxam), le Gouvernement français n’envisage aucune dérogation de 120 jours comme le permet la réglementation européenne. Et ce, même si d’autres pays comme la Belgique, la Roumanie et la République Tchèque ont annoncé qu’ils en demanderont.

Pour les deux autres molécules que sont l’acétamipride et le thiaclopride, la loi sur la biodiversité autorise des dérogations jusqu’au 1er juillet 2020. Mais le thiaclopride n’a pas encore obtenu le renouvellement de son approbation au niveau européen. La molécule fait par ailleurs partie des substances actives dont on envisage la substitution. Autant d’arguments avancés par les trois ministres pour ne donner aucune dérogation sur cette substance active.

Seule l’acétamipride, qui a vu son approbation renouvelée à compter du 1er mars 2018 pour 15 ans, et qui présente un profil toxicologique et écotoxicologique plus favorable, semble donc pouvoir, aux yeux du Gouvernement français, bénéficier de dérogations.