Néonicotinoïdes : une étude montre la désorientation des abeilles en plein champ
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Une étude en plein champ réalisée par l’Inra, Terres Inovia, le CNRS, l’ITSAP-Institut de l’abeille et l’Acta vient conforter les essais en laboratoire réalisés en 2012 sur les risques de désorientation des abeilles exposées au traitement des semences de colza au thiaméthoxam, issu de la famille des néonicotinoïdes. Elle a été conduite en 2013 et 2014 sur 200 km2 en Poitou-Charentes. 7000 abeilles, venant de dix-huit ruches indemnes de parasites et de maladies, ont été suivies durant toute leur vie. « Un protocole lourd à mettre en place, explique Mickaël Henry, chargé de recherche au laboratoire pollinisation et écologie des abeilles de l’Inra d’Avignon. Nous avons dû équiper les butineuses de micropuces RFID collées sur leur dos. » « L’effet de l’exposition s’accroît au cours de l’avancement de la floraison du colza » L’étude révèle que le risque de surmortalité augmente si le rucher est proche des parcelles traitées et plus la taille des parcelles de colza est grande. Autre point : l’effet de l’exposition s’accroît au cours de l’avancement de la floraison du colza. De 5 à 22 % de surmortalité sont relevés. Les chercheurs ont détecté dans l’abdomen des abeilles du nectar avec des traces de tiaméthoxam. Le nectar sert de source d’énergie pour ces insectes. « À mesure que la culture avance dans floraison, l’effet chronique se renforce, complète Mickaël Henry. Les abeilles disparaissent de la colonie, leur espérance de vie diminue. » Pas d’explications précises sur ce phénomène mais deux pistes sont isolées : « Soit les butineuses ne retrouvent plus la ruche, soit le métabolisme du vol est perturbé, souligne-t-il. Nous cherchons à mieux comprendre. » Les colonies modifient la production de couvain En réponse à cette surmortalité, les scientifiques ont remarqué que les colonies modifient leur stratégie de production de couvain de façon à privilégier le renouvellement des ouvrières au dépend des mâles. Ce rééquilibrage intervient pendant la floraison et dans les semaines qui suivent. La production de miel est maintenue. « Se pose la question de l’impact sur la stratégie de reproduction de la colonie. Cet axe doit être travaillé », ajoute Mickaël Henry. Les analyses ont aussi montré la présence de traces d’imidaclopride (Gaucho) dans les fleurs de colza. « On a étendu la zone écologique d’observation à 450 km, soit 80 parcelles de plus », indique Mickaël Henry. Les deux tiers des prélèvements contenaient cette molécule. Il estime qu’une telle expérimentation est complexe « pour évaluer précisément les risques encourus par les abeilles en situation réelle d’exposition au produit ». Les auteurs de l’étude confirment l’importance de mesurer les effets chroniques de faibles doses dans l’évaluation de la toxicité des pesticides avant leur mise sur le marché ainsi que de possibles effets cumulatifs entre différentes matières actives. Cette étude a été publiée le 18 novembre dans la revue Proceedings of the Royal Society B. La molécule thiametoxam étant proscrite en France depuis 2012 par principe de précaution, un accord du ministère de l’Agriculture a été nécessaire pour enrober les semences.